A travers un article, Philippe N’seck, ancien journaliste à l’ORTB condamne les appels pour susciter la candidature du président Patrice Talon. Il explique notamment pourquoi le chef de l’Etat doit renoncer à un second mandat et tenir parole. Détails à travers son point de vue !!!
Plus personne ne peut dire qu’il ne connaît Patrice Talon. On aura plus besoin de le présenter, en tout cas pas à un béninois, résident ou non, sur le territoire national. Les actes posés au cours de ce quinquennat sont parlant. Talon, faut il le rappeler a fortement marqué son passage à la tête de ce pays, le Bénin. Sa méthode certes discutable, lui a permis d’atteindre ses objectifs.
Aujourd’hui, chacun peut faire le bilan de ses quelques années de gestion du pouvoir d’Etat. Ceux qui le jugent favorablement s’activent déjà sur le terrain.
L’heure est venue de faire le bilan. De la ville à la campagne, chacun est suffisamment édifié.
Talon doit il être candidat à sa propre succession ?
Pour certains quid de sa propre promesse de ne faire qu’un seul mandat. Cet engagement, il l’a pris en tant que candidat, rassurant en 2016 ses partenaires politiques et en allant même au-delà. Il en parle dans son discours d’investiture en tant que Président de la République élu, le 6 avril 2016 face au monde entier à Porto-Novo, capitale politique. Quelques mois plus tard, il réaffirme ce désir de ne faire qu’un seul et unique mandat. » En cinq ans réaffirme-t-il face aux journalistes, on peut faire le job ».
A quoi assiste-t-on aujourd’hui ?
Des appels pour susciter sa candidature. Les médias sont fortement mis à contribution pour relayer la nouvelle. On se croirait à une certaine époque. Celle des années soixante (60), l’époque des partis uniques avec à leur tête des timoniers et pères de la Nation, autrement dit, des dictateurs. Est-ce de cela que rêvent certains béninois ?
Je n’en suis pas sûre. « A trop applaudir un danseur, il finit par se tromper de pas », a dit quelqu’un.
Ceux qui sont entrepris pour entrer en campagne précoce pour un candidat ne faussent ils pas le jeu démocratique ? Cotonou et certaines villes sont envahies par des supporters à la solde de ceux qui trouvent leur compte sous la gestion. Talon pour crier fort les louanges de leur leader. Affiches, tee-shirt, casquettes sont confectionnés, des médias mis à contribution illégalement, au nez et à la barbe des institutions en charge de la régulation avec la ferme intention de convaincre ceux qui ne le connaissent toujours pas. Est-ce vraiment nécessaire ?
Les élections législatives de 2019 et celles communales de 2020 sont là, pour mesurer l’audience du pouvoir de Patrice Talon. Des progrès certes ont été enregistrés. Ces quelques années ont permis d’améliorer le visage de certaines villes notamment Cotonou où on peut voir des stations d’essence se multiplier dans un cadre de vie plus confortable où la circulation est plus aisée. On peut aussi évoquer d’autres prouesses du régime dans divers autres secteurs. Mais à quel prix ?
Patrice Talon a réussi dans certains secteurs mais dans d’autres sa gestion laisse à désirer. Seul celui qui ne fait rien ne se trompe pas. N’est-ce pas? Il est indéniable qu’on trouvera à dire en ce qui concerne la gestion des affaires politiques. Le pays est désormais divisé en deux. J’en veux pour exemple, ce vote récent à l’Assemblée Nationale du règlement intérieur du parlement. Les députés l’ont adopté rien qu’avec des procurations. Quarante et une procuration contre quarante et une présence. Est-ce compréhensible ? Pour des députés tous issus de la mouvance au pouvoir ? L’ouverture politique faite pour permettre à d’autres partis de prendre part aux dernières communales n’a non plus contribuer à rassurer la seule formation politique. Les forces cauris pour un Bénin émergent (fcbe) ayant pu avoir quelques mairies, a fini par perdre, l’exécutif de la principale ville à statut particulier qu’est Parakou.
Que devient l’accord politique signé avec les autres acteurs politiques? Pourquoi laisse t- on croire qu’on peut amener Talon à postuler pour un nouveau mandat ? Quand ce même Talon disait et réaffirmait son intention de ne faire qu’un mandat, ceux là étaient où ?
Disons le, personne ne le croyait, surtout pas ce Président d’un autre pays africain, qui disait entre autre ceci : » il vient d’ arriver », autrement dit, quand il va découvrir les délices du pouvoir, il ne tiendra pas parole. C’est vrai, Talon reprochait à son prédécesseur Yayi Boni, de vouloir s’accaparer de tous les leviers du pouvoir pour mieux diriger. Aujourd’hui, chacun a eu le temps de se faire une idée de la gestion du pouvoir sous l’homme de la rupture. Talon doit oublier les acteurs de cette campagne précoce tendant à l’inviter à renier, ce qu’il a dit et redit. Les autres partenaires politiques l’attendent aussi, il en est de même pour ceux qui savent et croient aux vertus de la parole donnée.
Faire autre chose, c’est inviter Talon à s’engager sur un chemin dont personne ne sait l’issue.
Cesser avec la politique de la ruse et de la rage.
Ce à quoi nous assistons, prouve que le béninois n’a pas changé. Les nouvelles lois régissant la vie politique et l’organisation des élections n’ont en réalité rien changé. On continue de faire croire qu’une fois le pouvoir conquis, on doit le préserver quoi qu’il en coûte. Talon a intérêt à faire un choix honorable, celui basé sur ses propres convictions et ses propres capacités. Le Bénin ne doit plus marcher à reculons. Les différentes expériences capitalisées, du multipartisme des années 60, à la révolution de 1972, au renouveau démocratique de 1990, il y a des acquis à prendre en compte et à préserver. Cesser avec cette politique de la ruse et de la rage.
Le Bénin n’est plus à ce stade. Une fois encore, le pays a besoin de tous ses fils pour se développer et rêve de se retrouver dans des mains de quelqu’un capable de faire l’union de tous les fils autour de lui y compris ceux qui pour une raison ou une autre sont en exil, ainsi que ceux privés de leur liberté et qui croupissent dans les prisons.
Philippe N’seck.