25 février 2022 à Cotonou, l’enceinte principale de la Bourse du travail grouillait de monde. Et pour cause, la Centrale des Syndicats des Travailleurs du Bénin (Cstb) dirigée par Kassa Mampo tenait un sit-in pour dénoncer la cherté de la vie. Un instant après la lecture de la motion, le reporter que nous sommes a reconnu un jeune dans la foule. Banderole rouge à la tête comme la plupart des participants. Il s’agit de Cocou Aoussi, Délégué de l’Union des Aspirants au Métier d’Enseignement du Bénin.
Cocou Aoussi avec plusieurs dizaines de ses collègues aspirants ont vu leurs contrats de travail suspendus par le gouvernement le 3 décembre 2021 parce que signataires d’une motion de grève. Ils réclamaient principalement le paiement de 12 mois sur 12 de salaire. Depuis la prise de cette décision par le gouvernement, un silence total semble prendre le contrôle du dossier. A l’improviste, nous sollicitons donc un entretien sur le sujet. Ce qui nous sera accordé. Un rappel des revendications comprises dans cette motion de grève, la précision sur le sens de ce combat dont dépend désormais sa carrière, le point des discussions, …Coucou Aoussi en parle. Lisez-plutôt !
Kpakpato Medias : L’Union des Aspirants au Métier d’Enseignement du Bénin dont vous êtes le Délégué a déclenché un mouvement de grève le lundi 6 décembre 2021 qui s’est soldé par la suspension des contrats de travail des signataires et l’abandon de la grève par les membres. Merci de nous rappeler les motifs de vos revendications ?
Oui effectivement, nous avons appelé les Aspirants au Métier d’Enseignement à observer une grève afin d’amener les autorités à procéder à une amélioration de nos conditions de vie et de travail. Lesquelles conditions, ne nous permettent pas d’exercer comme il le faut. Parlant de ces conditions qui font de nous des esclaves et dont nous exigeons une amélioration, c’est d’abord les 30 heures de cours que nous devons exécuter chaque semaine contrairement au quota horaire de 18 heures ou de 20 heures. En plus de ça, nous sommes payés 9 mois sur 12. Il s’agit là, d’une injustice flagrante à nos yeux. La dernière goutte d’eau qui a débordé le vase, c’est le fait d’inscrire dans le contrat que l’échéance part du 20 septembre au 1er juin pour une durée de 9 mois. A bien calculé, ça nous fait 9 mois et deux semaines. On nous demande ainsi de travailler deux semaines sans percevoir de salaire. Nous avions pris nos responsabilités en disant non à cette maltraitance et nous avons vu notre contrat de travail suspendu.
Avez-vous mené en amont des démarches pour qu’une solution soit trouvée avant d’opter pour la grève ?
Bien sûr ! Vous savez, nous sommes des jeunes qui maitrisent très bien les procédures en termes de revendications. Comme recommandé, nous avions engagé des actions de dialogue avec notre employeur qui est l’Etat. Mais ces dernières se sont soldées par un fiasco. Nous avions plaidé également auprès des hommes politiques. Mais ils sont restés sourds à nos revendications. Nous avons l’impression que personne ne veut nous écouter car pour eux ce sont de meilleures conditions qu’on nous offre.
La signature de cette motion de grève vous a coûté à vous et à des dizaines de vos collègues la suspension de vos contrats de travail. Quel est votre état d’âme aujourd’hui ?
Notre contrat de travail a été suspendu certes. Mais ce n’est pas grave. Nous allons vivre mais le système doit être corrigé. Ce que les uns et les autres doivent savoir, nous ne nous sommes pas engagés dans ce combat pour nos poches mais pour que nos enfants puissent avoir à une bonne formation éducative.
Vous vous souciez de la qualité des formations éducatives des enfants. Mais jusque-là on ne note pas un soutien des parents d’élèves à votre endroit !
Effectivement. C’est donc le moment pour moi d’interpeller les parents d’élèves. Ils doivent savoir que ce qui se passe actuellement dans nos salles de classe n’arrange pas du tout le peuple, le bas peuple qui souffre. Les parents d’élèves doivent savoir que rien de bon ne se fait dans ce système. L’enseignant est chosifié et quand l’enseignant est chosifié, le travail ne passe pas. Ils sont avertis.
Vous êtes au nombre de combien à voir votre contrat de travail suspendu ?
176 Aspirants au Métier de l’Enseignement ont vu leur contrat suspendu pour avoir pris part à la grève. Parmi ces 176, les signataires et ceux qui ont suivi la motion.
Depuis cette suspension des contrats, quelle a été vers vous, la démarche de l’autorité pour une prise en compte de vos revendications voire votre rétablissement ?
En tout cas, à la date d’aujourd’hui, l’autorité n’a mené aucune démarche vers nous. Nous autres également n’avons mené aucune autre démarche que celle du lendemain de la suspension et qui constitue à déposer les plaidoiries pour leur montrer le bien-fondé de ce que nous faisons. Jusque-là, c’est resté non écouté. Nous sommes là et nous observons.
Après la prise de la décision de suspension de vos contrats, vos autres collègues ont abandonné la grève tuant ainsi le mouvement. Comment appréciez-vous leur démarche ?
Personnellement, je ne les accuse pas. Quand tout le monde a peur, quand on a faim, et on n’est pas sûr de là où on va, on peut se comporter de la sorte. Ce n’est pas de leur faute. On les a affamés pour qu’ils ne puissent pas parler.
Un mot pour conclure cet entretien
Pour finir, je tiens à remercier tout ceux qui nous soutiennent d’une manière ou d’une autre dans ce combat que nous menons. Pas parce que nous avons autre chose à faire. Mais jusque parce que la cause que nous défendons est plus noble que la faim que nous avons. Nous avons décidé de faire ce combat et nous le feront jusqu’au bout. Ce n’est pas terminé. Nous sommes renvoyés, nous sommes radiés, nos contrats ont été résiliés. Mais notre vie n’est pas suspendue. Tant qu’on vie il y a de l’espoir.
Propos recueillis par Christophe KPOSSINOU