Quand l'anodin devient une information

Traitement politique des personnes âgées, image sociale négative du retraité dans notre société, manque de reconnaissance, retraité et son rôle sociologique…L’Ambassadeur Ahouansou en parle (Opinion)

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En cette période de cherté de la vie  où le citoyen moyen tire le diable par la queue et s’en remet à Dieu, les conditions de vie des  aînés de la société forcent l’attention et méritent que l’on  s’y attarde avec respect. Si les seniors ne le faisaient pas eux-mêmes, il est à parier que  personne  d’autre y compris les pouvoirs publics ne le fera à leur place si tant est que ces derniers fondent leur gestion dans celle de l’ensemble de la population sans discernement particulier et que lorsque l’on est dans la fleur de l’âge l’on pense  béatement que la vieillesse n’atteint que  les  autres.  Mais l’on oublie que la jeunesse n’est pas une génération spontanée et que la vieillesse qui  la génère continue de contribuer  à l’édification de la société. Au reste, l’Administration a du mal à situer les personnes âgées dans la société. Il n’est que de considérer  les traitements alternatifs  qu’elle  lui a réservés jusqu’alors au rythme des régimes en place.

Il sied de se rappeler que c’est seulement en  2012 que, pour la première fois,  le Gouvernement  a politiquement reconnu les personnes âgées en tant que constitutives d’une entité sociale distincte. Il  les intégra alors dans une structure gouvernementale: celle du Ministère de la Famille  tandis que la jeunesse, elle, avait  toujours et  régulièrement fait partie de toutes les ossatures gouvernementales aussi loin que  je me souvienne. Le Ministère en question avait alors judicieusement créé en son sein une direction des personnes du troisième âge.

Le régime de la Rupture a probablement fait le choix d’une politique plus globaliste pour la réalisation harmonieuse de son plan d’action. La direction des personnes du troisième âge  disparut alors du Ministère de la Famille et fut apparemment  intégrée dans un service ‘’d’appui  aux personnes à besoins spéciaux’’ du Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance. La politique de globalisation de la gestion du gouvernement me parait d’autant plus  effective que l’entité jeunesse disparut également de l’ossature gouvernementale. Mais qu’à cela ne tienne ! Il demeure  néanmoins  que les personnes du troisième âge que l’on situe habituellement entre  75 et 90 ans et celles du quatrième âge, après 90 ans ont des problèmes  spécifiques que l’on ne peut éluder , et que de notre point de vue, les personnes d’âge avancé ne sauraient être considérés  seulement comme des personnes à besoins spéciaux dans la         mesure où elles continuent, autant que faire se peut, à jouer leur partition dans  le développement  économique du pays.

L’image sociale  négative du retraité dans notre société

Dans notre pays, le  lot des personnes du troisième âge, s’appelle l’indifférence mais aussi la chose qui dérange, de qui on ne peut plus rien tirer et qui devrait être rangée au placard.  Et cela n’est que grande bourde, d’autant que cette mise à l’écart jure avec les préceptes de notre civilisation et ceux de nos valeurs fondamentales qui accordent la plus grande déférence aux personnes âgées. Il est  en effet symptomatique que nos traditions accordent un si grand respect aux vieilles personnes alors qu’il n’en est pas de même dans la société moderne. C’est à croire que dans le cas d’espèce, les deux composantes de notre patrimoine culturel à savoir la culture fondamentale qu’est la tradition et la culture d’apport qu’est l’occidentale ne sont, en l’occurrence guère en symbiose alors qu’elles devraient l’être pour garantir l’harmonie sociétale.

Le manque de reconnaissance de l’Administration envers les Séniors

La retraite professionnelle, c’est le temps du repos après avoir servi l’Etat, et l’Etat se doit d’être reconnaissant envers celui qui y est admis. Cette reconnaissance, on ne la voit nulle part dans la gestion des affaires publiques. La pension n’est pas une reconnaissance ; c’est tout simplement la restitution de ce qu’a cotisé le travailleur au Fonds National des Retraites ou à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale pendant sa période d’activité à raison de 6% de son salaire brut.

La reconnaissance serait  d’accorder aux citoyens des troisième et quatrième âges certains privilèges dans la société autant que faire se peut. Dans notre pays, et cela depuis toujours, l’Etat ne s’est jamais voulu redevable  en rien aux retraités ; aucune facilité dans la vie de tous les jours ; aucun avantage matériel ; aucune considération particulière.  Le constat est amer.

La reconnaissance serait aussi de mettre au service des ministères qui s’occupent des retraités, des agents fondamentalement courtois, patients et empathiques, bien au  fait des problèmes matériels, sociaux et même affectifs de leurs clients. A cette fin nous proposons  que de temps à autre,                                                                                                                                                   des ateliers soient organisés à leur intention pour leur permettre de se familiariser avec les difficultés que rencontrent les personnes âgées afin d’appréhender les meilleures façons de se comporter  avec elles.

Le retraité et son rôle sociologique

A chaque étape de la vie correspond une fonction spécifique. L’enfant a une vocation : celle de grandir et d’apprendre. L’adulte celle de mûrir, d’assurer sa fonction de procréation, le cas échéant, et d’éduquer. L’homme mûr, au stade de la retraite, celle de transmettre  son  savoir, son savoir-faire et ses expériences, pierre angulaire du développement dans tous ses aspects.  Il a ainsi la noble tâche de passer le témoin ;  mais  encore faudrait-il que l’Etat mène une politique en ce sens et l’installe dans ce rôle de transfert des connaissances.

Une perception erronée de la notion de transfert des connaissances

La notion de transfert des connaissances a malencontreusement imprimé dans les esprits, l’idée de transmission du savoir et du savoir-faire d’un pays plus avancé vers un autre moins avancé. Ce raisonnement n’est de toute évidence pas correct. Pour répondre à ses objectifs, le transfert des connaissances devrait être interne et revêtir un caractère endogène ; et pour cause. Les nationaux qui transfèrent leurs connaissances à d’autres nationaux ont l’avantage, non seulement de la maîtrise du terrain, mais également celui d’une bonne connaissance de   la psychologie des apprenants.   C’est ainsi que les sociétés avancent harmonieusement et efficacement.

Le Président Kennedy a créé le Peace Corps qui dépêche des volontaires américains à  travers le monde et singulièrement chez nous ; il est vrai que ses membres sont jeunes et sans réelle expérience. Mais pourquoi ne pourrions-nous prendre appui sur cette initiative et mieux faire en créant nous-mêmes un corps, non pas de jeunes volontaires, mais de personnes d’expérience pour aider les jeunes ; ne serait-ce pas rationnel ?   C’est là, notre motivation à préconiser la création d’un Corps des Volontaires de la Solidarité pour le Développement afin d’aider les jeunes dans des domaines que détermineront les mairies. Ce n’est pas l’envie de transmettre qui manque aux retraités ; c’est le cadre formel qui fait défaut. L’adage ne dit-il pas : aide-toi et le ciel t’aidera ? Nous pourrions dire à notre tour : si les autres t’aident à leur manière, montre leur que tu peux t’aider de meilleure manière et ils  t’aideront de plus belle manière, en te respectant.

La sous-estimation des apports des séniors dans le développement économique

Contrairement à une idée abondamment véhiculée et que l’on ne cherche même plus à amender, le développement économique d’un pays n’est pas seulement le fait de citoyens encore dans la fleur de l’âge ; les retraités y participent également. Les politiques mettent volontiers l’accent sur la nécessité pour les jeunes gens d’accéder au marché de l’emploi en sollicitant le secteur privé, mais l’on oublie que les personnes admises à la retraite entreprennent  des activités pourvoyeuses d‘emploi. Au demeurant, il arrive que ces retraités s’obligent à soutenir leurs enfants encore en quête d’emploi. Ils les assistent également en termes de logement, de subsides ou même d’investissement, le cas échéant, en rognant sur leur maigre pension. En effet, les parents responsables ne lâchent jamais leurs enfants dans la nature alors qu’ils n’ont pas encore un emploi ou qu’ils sont en chômage. Un enfant sans travail et livré à lui-même est un délinquant en puissance et donc un problème et une charge virtuels pour l’Etat que lui épargnent les parents. Il  convient alors de reconnaître aux retraités la part importante qu’ils assurent, tout à la fois, dans  la prévention de la délinquance  et le développement économique du pays. Ils jouent leur partition dans le concert du développement discrètement certes, mais ils la jouent assurément, et l’on devrait leur en savoir gré d’autant que leur pouvoir  d’achat s’amenuise avec les dépenses liées à la vieillesse. Et il n’est pas juste de ne voir en eux que «  des personnes à besoins spéciaux » occultant de ce fait leur contribution active au développement.

L’érosion permanente du pouvoir d’achat du retraité et suggestions d’octroi d’une prime de soutien au développement

Comment l’état  veille-t-il particulièrement sur les personnes âgées  ainsi que le prescrit l’article 26 de notre Constitution ? Je ne sais et ne connais qui peut m’apporter une réponse satisfaisante. La pension de  retraite n’est qu’une pitance   au demeurant figée, alors que le coût de la vie augmente de manière exponentielle. L’on me dira que cette augmentation affecte de manière égale toutes les couches  sociales. Le hic c’est que, aussi paradoxalement que cela puisse paraitre, les dépenses des retraités sont, à bien d’égards et toutes proportions gardées, supérieures à celles des personnes en activité professionnelle. A  cela, le pouvoir politique ne prête pas suffisamment attention.

Nonobstant le fait qu’elles soient astreintes aux mêmes dépenses courantes  c’est sur leur maigre pension que les personnes âgées achètent beaucoup plus de médicaments pour conserver leur santé  devenue fragile tout en pâtissant de la cherté de la vie au même titre que ceux qui sont en bonne santé. De plus, il conviendrait de considérer l’assistance qu’elles peuvent être amenées à porter à des enfants sans emploi ou en bas âge encore sous leur tutelle. Leurs charges récurrentes s’alourdissent d’autant. Et les retraités  de la Fonction Publique touchent le fond de la frustration lorsque sur tout cela vient se greffer  le non-paiement  par l’employeur qu’est l’Etat, d’arriérés salariaux. C’est la situation que vivent actuellement bon nombre d’Ambassadeurs et  Ministres Plénipotentiaires à la retraite. Ils continuent de solliciter l’équité du Chef de l’Etat.

Nous estimons qu’une disposition particulière devrait permettre d’affecter aux personnes à la retraite professionnelle âgées de moins de  75 ans, régulièrement inscrites à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale et à même de faire la preuve qu’elles soutiennent les efforts de leurs enfants  en quête d’emploi notamment dans le financement de leurs projets, une prime annuelle, nous disons bien annuelle seulement, pour les services qu’elles rendent à l’Etat ainsi que pour leurs besoins spécifiques de survie comme exposés ci-dessus. Cette prime pourrait équivaloir peu ou prou à un mois de leur pension de retraite. La proposition me parait suffisamment raisonnable pour en permettre  considération et étude.

Il est bien difficile d’admettre  que les politiques ne pensent pas suffisamment aux personnes âgées, et pourtant ce sont elles qui composent le corps électoral le plus fiable et le plus crédible ; ce sont elles qui génèrent la jeunesse qu’ils aguichent tant.  En tout état de cause, nous venons de leur suggérer la création d’un corps des Volontaires  de la Solidarité pour le Développement et l’octroi d’une prime annuelle aux personnes du troisième âge pour leur soutien au développement nonobstant leur statut de retraité.

Ambassadeur Candide Ahouansou

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