Mi- avril 2021, l’un des plus brillants Constitutionnalistes du Bénin, d’Afrique et du monde, de sa génération, est arrêté au niveau du pont de Togoudo alors qu’il revenait de l’Université d’Abomey-Calavi. Joël Aïvo est ensuite gardé à vue, avant d’être jugé en décembre 2021 par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET).
Au plan national comme à l’international, des voix s’élèvent pour dénoncer une arrestation politique contre l’universitaire, auteur de la phrase fétiche : ‘’5 ans, c’est 5 ans’’, en réponse à la prorogation du mandat présidentiel de Patrice Talon de 45 jours.
Mais la CRIET ne l’entend pas de cette oreille et condamne Joël Aïvo à 10 ans de prison pour « atteinte à la sûreté et blanchiment de capitaux », en décembre 2021.
La prison n’a pas sapé le moral de Joël Aïvo
Preuve de sa sincérité, Joël Aïvo n’a pas changé en prison. Malgré les dures réalités de son séjour carcéral, le Constitutionnaliste est resté constant dans ses idées et son amour pour le Bénin.
Confirmation avec les confidences de l’ancien député Guy Dossou Mitokpè. En effet, après une visite au Constitutionnaliste à la prison civile de Cotonou, il dit avoir vu un homme avec un mental d’acier malgré plus d’un an en prison loin de sa famille et ses proches.
« Dans l’après-midi de ce dimanche 9 octobre 2022, en compagnie de Monsieur Franck COFFI, anciennement conseiller municipal de la ville de Cotonou, j’ai rendu visite au Professeur Joël AÏVO, à la prison civile de Cotonou…Franck et moi avons été agréablement surpris de voir un Joël AÏVO pleine de force, constant dans ses précédentes convictions mais surtout, très confiant en l’avenir… nous étions très ravi de voir que le Professeur AÏVO conserve encore une force morale intacte… », a confié Guy Dossou Mitokpè.
Mais, ce n’est pas tout. Joël Aïvo qui paie de sa liberté pour son engagement pour la restauration de la démocratie n’a aucune rancune contre sa patrie. Patriote hier, patriote aujourd’hui et patriote demain, l’universitaire a demandé à son hôte de toujours mettre le Bénin au centre de nos intérêts.
« Cette visite a été l’occasion pour nous de lui annoncer la déclaration politique du 12 octobre 2022 au chant d’oiseau…Il a salué l’initiative et n’a pas manqué de souligner que seul le Bénin est éternel et seul l’intérêt suprême du Bénin devrait motiver toutes nos actions.. »
Une attitude qui rappelle ses propos lors de son procès en décembre. Extraits : «Depuis huit (08) mois, l’État m’a abandonné et livré à mes adversaires politiques. Depuis huit (08) mois, je n’ai rencontré sur mon chemin de croix aucun serviteur de l’État soucieux de mes droits. Madame la Présidente, l’État m’a abandonné aux mains de mes accusateurs qui ont eu le loisir de faire de moi ce qu’ils ont voulu et parfois en violant les lois de la République. En huit (08) mois, on m’a affligé toute forme d’humiliation : Me voici en gilet de prisonnier devant vous. J’en ai en bleu barré jaune fluor et en bleu barré rouge fluor. Je suis présenté devant le Procureur Spécial, je suis présenté au Juge d’Instruction, puis enfin en session criminelle. Comme un criminel. J’ai connu la sirène hurlante de la Police et de la voiture des prisonniers. J’ai même connu les menottes, oui les menottes, car figurez-vous, que le Capitaine Rodrigue RIDAGBA, Régisseur de la Prison Civile de Cotonou m’a posé les menottes pour quelques minutes sur un trajet de moins de dix (10) mètres à l’intérieur de la prison avant de me les enlever une fois dans la voiture. Evidemment, chacun savoure le trophée qu’il tient en main. Madame la Présidente, j’ai dit que l’État m’a livré à la vengeance et à la punition de mes adversaires et que la justice ne s’est jamais préoccupée de mes droits. Au contraire. En prison j’ai connu l’insalubrité de ma cellule, l’indignité, l’humiliation de recevoir mon épouse debout et parfois sous la pluie. Depuis huit (08) mois, je n’ai jamais pu m’asseoir avec ma femme pour régler les problèmes de nos enfants. Cette maltraitance que je subis depuis huit (08) mois sans avoir rien fait à personne, c’est mon chemin de croix. Je porte ma croix depuis huit (08) mois et je serai prêt, si c’est votre décision, à reprendre ma croix et à la porter de nouveau avec dignité et patriotisme. … Mais, je voudrais que vous sachiez que la prison qui m’est infligée n’est pas ce que j’ai le plus redoutée dans ce parcours. Pendant deux ans, sur les routes du Bénin, à la rencontre des béninois, de ville en ville, de village en village, j’ai vécu avec l’idée d’être assassiné sans trace, car je savais que mes idées dérangeaient. Madame, Messieurs les juges, l’Éternel ne l’a pas ainsi décidé. Me voici donc vivant devant votre Cour. Je ne suis pas mort, je peux donc porter sur mes épaules une croix. »
C’est ça, les kpakpatos ont appelé conviction en français soutenu.
Manassé AGBOSSAGA