DECLARATION A PROPOS DE LA CAMPAGNE EN COURS CONTRE LA CYBERCRIMINALITE
ORGANISATION POUR LA DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES (ODHP)
Depuis quelques mois et particulièrement au cours de ce mois de mars, on assiste à une campagne tous azimuts de la police à travers le pays pour traquer les cybercriminels appelés communément « GAYMANS ». Il n’y a presque pas de jours où on ne parle de descente de la police dans tel ou tel quartier de telle ou telle ville à cet effet. Ainsi, on entend ou on lit que l’Office central de répression de la cybercriminalité (OCRC) a mis la main sur 10 présumés cybercriminels à Akpro-Missérété, Cotonou et Abomey-Calavi, 13 présumés cybercriminels arrêtés à Atchoukpa et Porto-Novo, ou 17 jeunes gens et femmes arrêtés à Agoué, ou encore escroquerie de cybercriminels : 4 policiers dont 2 commissaires et un avocat devant la brigade criminelle, etc. Pire, on annonce l’arrestation de plus de 130 jeunes dans ce cadre, il y a quelques jours; la zone du village universitaire d’Abomey-Calavi serait systématiquement assiégée par la police qui y opèrerait des rafles quotidiennes sur fond de brutalité et de violence contre ces jeunes. Au moins deux centaines de jeunes seraient en prison à l’heure actuelle et la campagne se poursuit.
L’ODHP dénonce et condamne la brutalité et la violence dont la police fait usage contre les jeunes ainsi que les conditions de détention dégradantes et inhumaines qui leur sont imposées.
Lors de la Semaine des libertés initiée par l’ODHP en mai 2022, il est apparu que les droits économiques, sociaux et culturels sont le dernier souci du Gouvernement qui les viole royalement. Le jeune étudiant qui finit sa formation, le jeune ouvrier « libéré » n’a aucune garantie d’emploi décent, aucune prise en charge pour la santé, aucune structure de prévoyance sociale pour lui venir en aide en cas de nécessité, pratiquement pas de soutien professionnel ou technique.
Cette campagne et les dérives qu’elle provoque suscitent des débats et des déballages sur les réseaux sociaux. Des gens vont jusqu’à affirmer que si le phénomène de la cybercriminalité ou de gayman est réel, il a été entretenu et encouragé par des acteurs politiques et /ou hommes d’affaires, etc. Dans le fond, la gouvernance du pouvoir de Talon n’offre aucune perspective aux jeunes. Mais à la vérité, il faut s’interroger justement sur ces perspectives pour la jeunesse.
A l’analyse, il apparait que les révélations et les déballages illustreraient une profonde crise de faillite de la gouvernance du Président Talon aux dimensions multiples : politique, économique, sociale et culturelle, même morale. Cette crise révèle ceci que des gens dits de la société civile qui ont fait campagne aux slogans de gouverner par l’exemple (entendre par la probité et le respect des droits humains en l’occurrence) sont rapidement devenus des chantres de la ruse et de la rage comme mode opératoire de la gouvernance politique avec son corollaire, l’arbitraire par la confiscation des libertés élémentaires, la fabrication de lois anti peuple et donc la violation de tous les droits souverains du peuple allant jusqu’à livrer le pays à l’occupation de troupes militaires étrangères (Barkhane), la confiscation du droit de participer et de désigner ses représentants avec des lois, dispositions administratives et financières exclusives des travailleurs, des artisans, des paysans et des jeunes notamment. De sorte qu’aujourd’hui, le pays est pris en otage par une classe politique avec des clans qui pillent et ruinent l’économie nationale, avec des trafics de tout genre (drogue notamment dont le pays serait devenu la plaque tournante, le blanchiment d’argent pour lequel le Nigeria indexe le Bénin et en interdit le dépôt dans ses banques), le tout dans l’incapacité de satisfaire les besoins d’instruction, d’emploi et de bien-être social à la jeunesse et au peuple. Au contraire, place nette est faite aux amis de clan avec par exemple les Toboula et autre Dassigli de qui peuvent bénéficier des faveurs de la justice et s’offrir pour l’un une évacuation sanitaire fantaisiste pendant qu’on torture ou qu’on maintient des centaines de jeunes en prison. En somme, l’impunité pour les hommes des clans au pouvoir.
Alors, l’odhp considère que la violence et la brutalité sur les jeunes détenus pour cybercriminalité doit cesser et que le gouvernement devrait réfléchir plutôt sur les causes de la crise multidimensionnelle décrite en vue de solutions idoines pour toute la société et surtout pour la jeunesse.
Et ce ne sera que justice, sinon, le pouvoir pousse la jeunesse abusée à la légitime défense.
Cotonou, le 16 mars 2023
Le Bureau Exécutif National