Au Tchad, le président de la Transition lance un appel aux exilés. Dans un message délivré la nation à l’occasion de la présentation des vœux par le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques (CSAI), Mahamat Idriss Déby a « invité ceux qui ont fui le pays à regagner la mère patrie et participer à l’œuvre de construction » de la nation. Ci-dessous l’intégralité de son message.
Discours du Président de Transition à l’occasion de la présentation des vœux par le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques du Tchad (CSAI)
Monsieur le Président du Conseil Supérieur des Affaires Islamiques ;
– Distingués membres du Conseil Supérieur des Affaires Islamiques ;
– Respecté Moufti du Tchad et Imam de la Grande Mosquée Roi Fayçal ;
– Mes chers frères Oulémas ;
C’est avec un grand plaisir que je vous retrouve dans ce cadre convivial pour célébrer ensemble une radieuse circonstance, en l’occurrence l’Aïd Al Adha Almoubarack.
Cette fête est un moment important dans le calendrier musulman qui honore un acte unique de sacrifice et elle offre une occasion idoine pour l’échange sincère des vœux.
Les vœux que vous venez de formuler à mon égard, à l’égard de ma famille et au Peule tchadien tout entier, me vont droit au cœur.
Je souhaite, en retour, vous adresser mes vœux de santé, de bonheur, de progrès à vous tous ici présents, à vos familles respectives, et partant à tous les Imams, prédicateurs, érudits du Tchad.
Pour notre chère patrie, mon vœu le plus ardent ne pourrait autre chose que la paix, la paix, et encore la paix.
Que notre Nation puisse baigner dans la stabilité durable et la cohésion sociale tout en accomplissant des grands progrès en matière de développement. Que le Bon Dieu veille sur ce pays, ses filles et fils, et le préserve de tout mal.
– Mes chers frères Oulémas ;
Permettez-moi d’insister sur les notions de la paix, de la stabilité et de la cohabitation pacifique car le contexte national délicat et les tragédies qui sévissent dans notre voisinage nous impose cela.
J’ai suivi avec attention et satisfaction le sermon de l’Imam tout à l’heure qui a largement abordé ces valeurs qui sont après tout une grâce divine.
Nous devons tous, remercier le Tout-puissant pour cela et veiller à la préservation de ce bien si précieux. Car le contraire de la paix, est synonyme de désarroi, de déchirure et de désolation. Ces sont ces malheurs que nos frères soudanais à qui j’ai une pensée pieuse, sont en train de vivre.
- Mes chers frères Oulémas,
Vous avez certainement suivi nos différentes mises en garde lancées prématurément dès le déclenchement de la guerre fratricide au Soudan.
Nos alertes n’ont malheureusement pas été suivies par les parties belligérantes mais aussi par la communauté internationale. Et nous voici dans une situation extrêmement préoccupante.
La guerre au Soudan a généré des conséquences incalculables et les répercussions que nous craignons tant, sont là, notamment sur le plan humanitaire.
Si grâce aux Forces de Défense et de Sécurité et l’attitude responsable de tout le peuple tchadien, la guerre n’a pas traversé nos frontières, pour autant, nous ne sommes pas épargnés par les conséquences humanitaires. La frontière commune est l’objet d’afflux sans cesse croissants.
J’ai personnellement fait le déplacement dans la province du Ouaddaï pour faire le constat, apprécier la situation et superviser la réponse humanitaire.
La relocalisation dans des sites est en cours grâce à l’implication active de l’Armée Nationale Tchadienne. Les opérations d’enregistrement et d’identification se poursuivent actuellement.
- Mes chers frères Oulémas,
Je réitère ici mon appel à l’endroit des principaux belligérants soudanais afin qu’ils écoutent les cris de leurs concitoyens. Le sang des soudanais a coulé inutilement et il continue de couler. Les Généraux en guerre doivent arrêter immédiatement les hostilités et donner la chance à leur pays de ne pas s’écrouler en tant qu’État. C’est une catastrophe qui se dessine à nos portes, et cela nous préoccupe au plus haut point tant les liens avec ce pays frère et ami sont grands.
Du point de vue politique et diplomatique, le Gouvernement tchadien s’emploie aux côtés d’autres pays afin de créer les conditions pour des pourparlers directs. Nous disons avec conviction que le dialogue est la seule solution, il est le seul combat qui mérite d’être mené.
– Mes chers frères Oulémas ;
Je voudrais saluer l’élan de solidarité spontanée qui est né avant et après notre appel. J’invite tout tchadien à offrir ce qu’il peut, car dans cette situation, nous sommes presque seuls. Et nous ne pouvons pas laisser mourir de faim nos frères réfugiés.
Je dis cela avec un brin d’amertume. Comme je l’ai récemment expliqué lors du sommet de Paris pour un nouveau pacte financier, la communauté internationale est insensible face à cette catastrophe.
Nous avons vu tous comment elle s’est mobilisée face aux réfugiés ukrainiens par exemple. C’est à croire qu’une vie valle plus qu’une autre. Cette forme d’injustice doit cesser !
– Mes chers frères Oulémas ;
Face à la situation prévalant au Soudan qui est strictement une affaire interne, le Tchad a observé une attitude de neutralité. Le Gouvernement a veillé à ce que la frontière soit contrôlée pour que le Tchad ne soit pas une base arrière pour alimenter cette guerre que nous avons condamné de la manière la plus claire.
A ce titre, je vous invite à épauler le Gouvernement dans cette œuvre pour le salut national, en prêchant la paix et une non-ingérence des tchadiens dans les affaires soudanaises.
Votre rôle est aussi important pour faire comprendre à tous les fidèles que devant un tel drame, l’on ne doit pas envenimer la situation par nos actes. Une simple publication, un partage d’une photo ou un message vocal tendancieux, peuvent jeter de l’huile sur le feu.
Je vous exhorte également à continuer à organiser des prières dans toutes les mosquées afin que Dieu puisse alléger les souffrances endurées par les frères soudanais.
– Mes chers frères Oulémas ;
Nous ne devons pas perdre de vue nos priorités nationales. La transition dans laquelle nous sommes, a ses propres exigences et ses contraintes bien qu’elles soient rendues complexes par ces facteurs inattendus.
Depuis le Dialogue National Inclusif et Souverain, le cap est maintenu et des progrès ont été enregistrés dans la mise en œuvre des réformes et du cahier de charges du Gouvernement d’Union Nationale.
Le Gouvernement travaille activement pour l’organisation du référendum. Une opération d’une grande importance à laquelle j’invite l’ensemble des leaders religieux à s’associer dans la sensibilisation des populations pour y participer activement et massivement. C’est une étape importante en prélude de l’organisation des élections générales.
– Mes chers frères Oulémas ;
La conduite de la transition, de sa première phase sous le CMT jusqu’à maintenant, est sous-tendue d’une politique de large ouverture, de réconciliation nationale et de pardon.
C’est un engagement que je renouvelle sans cesse, il est la boussole qui guide notre action.
C’est dans cet esprit que s’inscrivent les grâces présidentielles accordées à des centaines de condamnés.
Du haut de cette tribune, je pardonne tous ceux qui sont impliqués, condamnés ou non, ayant commis des dégâts lors de l’insurrection du 20 octobre 2022.
J’invite ceux d’entre eux qui ont fui le pays à regagner la mère patrie et participer à l’œuvre de construction de notre nation.
La transition a été pensée inclusive et elle sera inclusive jusqu’à son terme. Ceci n’est autre que le respect de la volonté du peuple tchadien exprimée par ses représentants lors du Dialogue National Inclusif et Souverain.
La population fonde un grand espoir, elle nous attend. Elle veut que les institutions soient profondément réformées suivant l’esprit du dialogue, elle veut surtout que son quotidien soit amélioré.
J’ai pu mesurer les souffrances endurées par les populations lors de ma tournée à l’intérieur du pays. J’ai pu toucher du doigt ces réalités qui ne nous laisse aucun autre choix que de répondre dans l’immédiat pour certaines.
C’est au prix des réalisations concrètes et des réponses idoines aux besoins les plus pressants notamment des populations du monde rural que nous pouvons redonner l’espoir de changement tant souhaité.
Dans notre marche vers la refondation et pour le retour à l’ordre constitutionnel, l’administration publique, la classe politique et partant toute la société doivent se départir de certaines mauvaises habitudes comme la corruption, le népotisme, le détournement des deniers publics pour ne citer que cela.
Des tares que j’ai évoquées dans ce même lieu et qui continuent par plomber nos efforts. J’appelle tous les Oulémas du Tchad et tous les érudits d’autres religions à faire de ce combat une priorité, qu’ils puissent dans un même élan, soutenir nos efforts en matière de l’assainissement de la vie publique.
D’ores et déjà, je vous exprime toute mon appréciation pour la grande contribution et votre disponibilité réaffirmée pour l’unité nationale.
La bonne entente entre vous leaders des différentes confessions religieuses à travers la plateforme interconfessionnelle est une bonne chose.
Cependant, ce cadre doit se décentraliser et être poussé aussi loin que possible pour consolider la cohabitation pacifique au niveau religieux.
Je vous exhorte donc à redoubler d’efforts afin de mettre en avant les raisons fondées et divines qui nous commandent de vivre en harmonie et dans le respect réciproque !
Que les fidèles de toutes les religions soient constamment sensibilisés et éveillés pour ne pas tomber dans les discours de haine cachés souvent sous le drap de la religion.
Notre diversité religieuse est une bénédiction, elle doit être utilisée comme une force. Cela n’est possible sans votre contribution active.
– Mes chers frères Oulémas ;
J’ai été sensible aux images qui font état de la souffrance subie par certains pèlerins tchadiens en terre sainte.
Il n’est pas concevable qu’un citoyen qui paye normalement les frais requis puisse être abandonné à son compte. Cela est inacceptable. Ces défaillances qui ont toujours entaché l’organisation du Hadj doivent être fondamentalement corrigées.
C’est dans le souci de cette réforme que j’ai décidé de détacher la Commission Hadj de la Présidence et la placer sous la tutelle du Conseil Supérieur des Affaires Islamiques.
Vous devez vous inspirer des meilleures pratiques d’autres pays pour améliorer l’organisation du Hadj, afin que les pèlerins tchadiens puissent bénéficier d’un encadrement optimal et des commodités à la hauteur de leur investissement.
– Mes chers frères Oulémas ;
Le Tchad nouveau que nous souhaitons et pour lequel nous travaillons à jeter les bases solides, ne peut se réaliser dans une société qui s’éloigne de ses propres valeurs morales et des règles d’une bonne gestion dictée par les valeurs républicaines.
Vous conviendrez avec moi que notre mission est délicate, le chantier est grand et complexe, car au processus transitionnel déjà difficile, s’ajoutent d’autres difficultés exogènes qui nécessitent l’implication de toutes les filles et tous les fils du Tchad dans un élan patriotique.
Avant de clore mon propos, je voudrais saisir cette opportunité pour me réjouir de l’adoption du projet de la nouvelle Constitution par le Conseil National de Transition. Cette étape franchie, le projet sera soumis au peuple souverain du Tchad pour décider de son adoption finale ou de son rejet à travers un référendum libre, crédible et transparent.
C’est sur cette note positive que je termine mes propos en souhaitant, une fois de plus, une heureuse et bonne fête de l’Aïd Al Adha à vous tous, à tous les tchadiens et à tous ceux et celles qui ont choisi de vivre avec nous au Tchad.
Que Dieu vous Bénisse !
Que Dieu Bénisse le Tchad !
Je vous remercie.