L’actualité de la “relocalisation” du marché Dan-tokpa a réveillé les ardeurs des Béninois et de certaines associations. Et c’est le tollé général dans tout le pays. Mais, pourquoi avoir attendu l’échéance pour réagir, là où l’on aurait agi ? Les interviews accordées aux journaux m’ont réveillé. Et j’ai voulu pour une fois encore, assumer la souveraineté internationale de la Boologie. Cette science dont l’objet est le triangle du « Fa, Vodùn et Boo ». Et naturellement, le marché Dan-tokpa est un fait social au sens des sciences sociales et humaines. Et une réalité Vodùn au sens des humanités de Fa, Vodùn et Boo du Bénin.
Dan-tokpa un fait social des activités scientifiques sociales et humaines
Les sciences sociales et humaines appartiennent à la rationalité cartésienne sur laquelle le chercheur africain n’a pas de prise. C’est pourquoi en cinquante-trois ans de pratique de l’enseignement supérieur et de recherche, l’Université d’Abomey-Calavi n’a pas accordé l’importance d’une plus-value scientifique au marché Dan-tokpa. Et il faut s’en remettre à l’histoire d’abord, pour montrer l’anonymat de la mémoire.
Dan-tokpa dans sa création, doit remonter au temps de Dada Guézo (1818-1858). En ce temps de la politique d’expansion des États africains, la suprématie d’un État sur un autre, commandait les guerres de libération et de capture des prises de guerre. Les captifs sont devenus des objets de commerce triangulaire. Et le Tolègba de Lègbahito, reste un item de ce souvenir historique. L’art, ou le niveau des symboles donne une idée de la forme du Vodùn Tolègba, Dan, etc.
Marché Dan-tokpa, un pôle d’innovation
La linguistique s’enrichirait bien des langues diverses des échanges commerciaux au marché Dantokpa. La dynamique des rencontres, les contrats commerciaux et les liens sociaux qui connectent les commerçants débordent la sociologie pour culminer aux abords des droits et cadres juridiques. Mais, à part les thématiques de recherche, l’opportunité académique, universitaire, et professionnelle de créativité éducationnelle relatives au Dan-tokpa n’a intéressé aucun scientifique. Tout simplement parce que la créativité et l’innovation sont des logiques absentes des centres d’intérêts d’une institution de formation dont le ministère de tutelle est étalonné aux mesures françaises et étrangères.
Les cadres gèrent plutôt le quotidien au lieu que l’État ne les exhorte à identifier les besoins des populations et du pays. Les formations au Bénin n’ont jamais été ouvertes sur l’emploi. Alors que Dan-tokpa est un multipôle d’emplois nécessitant des ouvertures d’écoles, de collèges, instituts et universités d’études, d’enseignement et de recherches. Jusqu’à ce qu’on vienne envisager la déstructuration de l’unité diversifiée du marché Dan-tokpa, il y a un réveil qui n’a pas été fait.
Dan-tokpa, une réalité Vodùn objet de la Boologie
Il faut aujourd’hui changer de vision. Il faut revoir les Mots qui cachent des maux. Car, la force de l’Occident réside dans cette capacité à mettre les rapports de force dans la fabrication de nouveaux Mots et à les financer.
L’élite africaine, que dis-je, les politiciens africains n’ont pas compris cette créativité.
En fait, en termes de réforme, Dan-tokpa ne doit pas être “délocalisé”, puisque les réformes sont d’ordre administrative. Or, délocaliser requiert un consensus national, et même international. Pour délocaliser, il faut avoir l’avis des mandants. Mais pour réformer, on organise ou recadre une organisation: il y a une nuance. Comment penser réformer une unité historique gouvernée par une synarchie?
Le radical DAN signifie qu’il y a un mot qui est voilé. C’est le mot “marché”, et l’idée de l’échange, du commerce, et de la production de la richesse. Mieux, le Vodùn DAN est international. C’est une expérience propre aux peuples de l’Afrique du Nord, du Sud, de l’Est, sans parler de l’Ouest.
La métaphore in absentia du Vodùn DAN étant le marché, le lieu des mutations où se meuvent les entrepreneurs qui deviennent riches, qui échangent et enrichissent les nouveaux entrepreneurs. Lieu par excellence d’où est exclue l’idée de pauvreté ou d’indigence. Les gnostiques du Vodùn ont bien une vision et une épistémologie qui se cachent derrière le dessin du « serpent » utilisé comme signifiant du sème DAN. C’est d’ailleurs pourquoi les colons, les missionnaires n’ont pas pu exterminer les peuples d’Afrique. Le Vodùn DAN est une épouvante pour les religieux tout comme il est la puissance qui découle des arcanes de nos djôwamon.
Marché Dan-tokpa, une œuvre monumentale
Dan-tokpa naquit du temps de Guézo. Prenons la borne de sa naissance 1818, et il vit encore en 2024 : ce qui permet d’estimer sa durée de vie à 206 ans. Dan-tokpa existe depuis 206 ans ; et il est le fruit de l’imaginaire du Vodùn, une civilisation d’entrepreneuriat. Puisque le Vodùn n’est sollicité qu’en cas de nécessité pour recevoir une aide, un appui d’orientation afin de prendre des décisions favorables à quelque entreprise que ce soit.
Le marché Dantokpa ou Dan-tokpa est une création et implantation béninoise. Il est dynamique et est intégré au cycle du FƐZAN qui est la matrice des jours fastes ou néfastes. Et son cycle magnifie les notions de transformation humaine anthropologique et sociologique : Mèdjo, Mèkou, Vodùn, Boo, Azon, Hin, Vô, Fa, etc. Cette probabilité des transformations est connue des utilisateurs des cycles des marchés au centre desquels figure Dan-tɔkpa.
En décidant de déplacer le marché, nous détruirons une œuvre monumentale. Et demain, on dira encore que l’Afrique est un ” désert de compétences” ! C’est d’une vision africaine qu’il s’agit de penser.
Dan-tɔkpa est une vision phénoménale
Où a-t-on vu un peuple se déposséder de sa vision ? C’est pourtant ce que s’apprête à réaliser les producteurs du film “apocalypse Dan-tɔkpa” ; détruire une œuvre édifiée depuis des lustres, en un temps record.
C’est la manière de démanteler les joyaux de la couronne du Vodùn qui sidère le boologue. Car, dans ce premier millénaire, où les peuples sont condamnés à assister à la mort des civilisations dominatrices, c’est la superstructure du Vodùn qu’on veut exposer à la démolition. Dans moins d’un siècle, on n’aura aucune trace des activités scientifiques du Vodùn. Un peu comme la destruction des archives de Tombouctou au Mali par les Djihadistes.
On va mettre Dantokpa dans un musée des réformes ; cela est une épouvante administrative.
Repensons l’évidence d’une erreur décisionnelle, et donnons la priorité à l’innovation fusionnelle.
Par Coovi Raymond ASSOGBA, Maître de Conférences, Sociologue et Boologue.
Source : www.beninintelligent.com