Le développement des pays de l’Afrique de l’Ouest dont le Burkina Faso préoccupe toujours la Banque Mondiale. L’institution de Breton Wood a rendu public le 27 juin 2024 un Mémorandum économique avec des recommandations. Lire ci-dessous l’intégralité.
Mémorandum économique pays pour le Burkina Faso : rendre la croissance plus efficace, durable et inclusive
Selon le dernier Mémorandum économique pays pour le Burkina Faso, la croissance économique rapide enregistrée au cours des deux dernières décennies n’a pas suffi à transformer structurellement le pays pour le préparer à un futur succès.
Bien que la production ait triplé en termes réels au cours des deux dernières décennies, le PIB par habitant n’est pas parvenu à doubler, en raison d’une croissance démographique rapide et le nombre de personnes vivant dans la pauvreté est demeuré quasi inchangé. Les fruits de la croissance économique n’ont pas été répartis uniformément entre les régions, tandis que les inégalités, qui avaient diminué, se creusent. L’extraction industrielle d’or est devenue un moteur de croissance, mais le secteur crée peu d’emplois et entretient peu de liens avec les entreprises locales. Les bénéfices exceptionnels générés ont fait monter les tensions politiques dans un contexte d’aggravation de l’instabilité intérieure et régionale qui a débouché sur deux coups d’État en 2022.
La croissance n’a été ni efficiente, ni durable, ni inclusive. La majeure partie de l’augmentation de la production dans tous les secteurs a été basée sur l’accumulation de travail et de capital, plutôt que sur l’amélioration de la productivité. Le secteur public absorbe le nombre limité des travailleurs les mieux éduqués et contribue à creuser le déficit budgétaire, laissant peu de marge de manœuvre pour les investissements publics. La déforestation à des fins énergétiques et agricoles a entraîné la perte de près de la moitié des forêts du pays au cours des deux dernières décennies. Le marché du travail n’a pas suivi le rythme de la croissance démographique, laissant une population jeune en plein essor en difficulté pour trouver sa place dans la société.
La faible croissance de la productivité agricole n’a pas permis au secteur de réaliser son potentiel de réduction de la pauvreté. L’essentiel de la croissance est dû à l’augmentation des superficies cultivées plutôt qu’à l’amélioration des rendements. Le secteur est dominé par la petite agriculture de subsistance avec un accès limité aux intrants, au capital et aux machines. La violence et l’instabilité, combinées à l’attrait de l’orpaillage, ont alimenté l’exode vers les villes, laissant le secteur à court de main-d’œuvre. Fortement tributaire des précipitations, le pays est fortement exposé au changement climatique, environ un tiers de ses terres étant déjà touchées par la désertification.
Le faible niveau de sophistication technologique empêche les entreprises burkinabè d’accroître leur productivité et de créer des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité. Les principaux obstacles à une utilisation plus généralisée et intensive des technologies modernes sont le manque d’information, l’insuffisance des compétences tant des cadres que des travailleurs, la médiocrité des infrastructures – qui se traduit par un approvisionnement en électricité peu fiable et un accès limité à Internet – et le sous-développement des marchés financiers.
L’allocation inefficace des ressources et la mauvaise connectivité due au manque de routes empêchent les entreprises les plus productives de réaliser pleinement leur potentiel. Les distorsions du marché dues à la mauvaise connectivité des transports et à l’urbanisation rapide ont entraîné un étalement urbain et un développement non planifié des villes, réduisant ainsi les effets d’agglomération qui, autrement, augmenteraient la productivité dans les zones plus densément peuplées.
Une plus grande parité entre les sexes stimulerait la croissance d’une manière plus équitable et inclusive. Bien que l’écart entre les sexes en matière de scolarisation se soit récemment inversé, au moins au niveau primaire, les femmes burkinabè vivent dans une société très inégalitaire, confrontées à des mariages précoces, à une lourde charge de soins et à l’absence de contrôle sur leurs besoins en matière de santé génésique. Les agricultrices, les entrepreneures et les employées gagnent moins que leurs homologues masculins, les différences étant dues au manque de capital et de contrôle des revenus des femmes, à une moindre utilisation des travailleurs masculins, à un moindre recours aux technologies agricoles et à une moindre commercialisation des exploitations appartenant à des femmes. Combler ces écarts permettrait d’accroître l’offre de main-d’œuvre qualifiée et d’améliorer la productivité.
Des réformes de grande envergure pour s’attaquer à ces facteurs de faible productivité pourraient entraîner une transformation structurelle décisive. Trois scénarios de croissance montrent que le maintien d’une trajectoire de croissance faible ou moyenne, avec des tentatives limitées de réformes structurelles, se traduirait par le maintien de niveaux élevés de pauvreté, surtout après prise en compte des effets du changement climatique.
Le rapport formule des recommandations pour favoriser une croissance efficiente, durable et inclusive nécessaire pour propulser le Burkina Faso au rang des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et améliorer sa résilience face au changement climatique, et qui sont les suivantes :
Diversifier au sein et à l’extérieur de l’agriculture : i) en créant une demande de produits agricoles avec des liens plus étroits entre l’agriculture et la transformation ; ii) en améliorant la productivité du bétail grâce à l’amélioration de l’élevage et à l’augmentation de la valeur ajoutée ; iii) et en diversifiant l’économie rurale grâce à la création d’emplois non agricoles, au renforcement du capital humain et à l’amélioration des liens entre les zones rurales et urbaines.
Améliorer l’accès aux marchés intérieurs et internationaux et promouvoir la sortie de l’agriculture de subsistance.
Atténuer et gérer les risques agricoles en promouvant l’agriculture climato-intelligente, l’irrigation, la restauration des terres, l’assurance et la réduction des risques, et en soutenant les personnes déplacées et vulnérables.
Renforcer l’environnement favorable aux entreprises privées en réduisant les obstacles à l’accès à l’électricité, aux services numériques et au financement.
Développer les capacités des entreprises à utiliser davantage la technologie en favorisant l’accès aux connaissances extérieures et en i) favorisant l’exposition à l’expérience internationale et aux chaînes de valeur mondiales, ii) en soutenant les collaborations pour aider les entreprises à améliorer leurs technologies, et iii) en réduisant les droits de douane et les réglementations qui entravent l’adoption des technologies.
Augmenter la base de capital humain en développant les compétences numériques, en particulier au sein de la jeune génération.
Investir dans des infrastructures de transport plus résilientes.
Améliorer l’environnement favorable à la logistique de transport afin de réduire les coûts commerciaux pour les entreprises.
Concevoir des politiques visant à éliminer l’informalité.
Accroître la participation des femmes dans les secteurs à plus forte valeur ajoutée en améliorant leurs compétences et leur participation à la gestion et en réduisant la ségrégation professionnelle.
Accroître l’accès des femmes aux facteurs de production en améliorant leur inclusion financière et leur accès au capital commercial, en augmentant leur utilisation du travail et des intrants agricoles modernes et leur rendement, et en augmentant le rendement de leurs terres.
Renforcer la sécurité physique des femmes et leur capacité d’agir au sein du ménage en améliorant leur connaissance des droits et des lois, en renforçant leur capacité d’agir en matière de procréation et en réduisant la charge des soins.
Source: www.banquemondiale.org