AU SUJET DE NOTRE MODELE DEMOCRATIQUE
Je viens de lire sur les réseaux sociaux, une opinion de Monsieur Georges OTCHERE rapportée par KPAKPATOMEDIAS du 17 juin 2022, dans un article intitulé : « législatives 2023 : Georges OTCHERE interpelle la jeunesse et accuse les « compatriotes de la diaspora » ».
Dans le texte, Monsieur OTCHERE mène un débat de sourd avec un jeune qui est blasé par rapport à la question électorale dans notre pays et l’exclusion qui est le propre du pouvoir de la rupture. Il dit en effet : « depuis l’historique conférence nationale des forces vives de 1990 que reste-t-il de notre modèle démocratique ? Où est passé le consensus qui faisait notre force ? » Et il poursuit : «je n’irai pas aux urnes car mon vote n’y changera rien ». L’insistance de Monsieur OTCHERE n’a pu convaincre le jeune qui dit : « je préfère rester dans mon coin et vivre ma souffrance en paix ». Alors Monsieur OCTHERE constate : « faire le choix de se soustraire à la vie politique est une forme de déni qui peut impacter négativement la participation électorale et la légitimité des élus ». Mais il relie au fait que notre modèle démocratique est calqué sur celui de la France. Il fait observer le faible taux de participation aux dernières élections en France et montre que c’est un indicateur sur « les limites de ce modèle ». Il finit par : « j’accuse nos compatriotes de la diaspora qui ont pris les rênes du pouvoir dans notre pays au lendemain de la conférence nationale et plagié le modèle français sans jamais cherché à l’extirper de toutes les tendances incomptables avec nos valeurs propres».
Le problème posé par le jeune est claire. Il part de la gouvernance électorale du pouvoir de la rupture et conclut qu’il vaut mieux rester dans son coin. Mais Monsieur OTCHERE embrouille la question comme d’autres partisans de la rupture en y mêlant les questions de modèle démocratique. Je vais aborder le problème en deux temps : le problème posé par le modèle démocratique et pourquoi les combattants doivent prendre part aux élections législatives de 2023.
I- LA QUESTION DU MODELE DEMOCRATIQUE
De plus en plus, les partisans de la rupture ont ramené les problèmes de notre pays au plan démocratique à la question du modèle qui serait inadapté à nos valeurs. Certains thuriféraires prétendent que la démocratie devrait être propre à chaque région du monde et que personne d’autres ne devraient donner des leçons parce que nous autres n’en donnons pas lorsque TRUMP a fait des siennes aux Etats-Unis. Même la vice-présidente de la République Madame TALATA l’a évoqué dans un récent discours où elle faisait état du choix de modèle effectué en 1960 et en 1990 sans tenir compte de nos valeurs propres. C’est dans ce sens que va Monsieur OTCHERE. Mais ce raisonnement fait croire qu’un bon modèle démocratique devrait nous permettre de massacrer nos populations, enfermer massivement nos opposants ou les contraindre à l’exil sans que personne ne trouve à redire parce que c’est conforme à nos valeurs. C’est inadmissible car les droits de l’homme ont un caractère universel.
Une chose est certaine. La bourgeoisie Africaine en constitution à l’époque coloniale n’était pas apparue dans le même contexte que son homologue d’Europe. Elle n’est pas née dans le feu de la production encore moins dans un contexte de capitalisme émergent. Elle ne sait pas comment développer la production capitaliste en tenant compte de la situation concrète sur le continent. Au contraire, il lui a été inculqué que ses peuples sont barbares et impropres à la production et que sa culture est hors de l’histoire et donc inexistante. Elle a été entretenue dans une position de supériorité par rapport à l’indigène non scolarisé et d’absolue infériorité par rapport au colon. Il faut ajouter à ceci, le fait que le colonisateur était d’une brutalité inouïe vis-à-vis de toute remise en cause profonde. Tout ceci a produit une partie de la bourgeoisie africaine peu sûre d’elle, incapable de s’émanciper du colonisateur et d’organiser la production dans le sens du développement capitaliste des Etats africains. C’est à cette frange de la bourgeoisie africaine que le colonisateur a remis le pouvoir aux indépendances 1960 pour garantir ses intérêts. Cette fraction de la bourgeoisie africaine s’est reproduite jusqu’à nos jours et détient les rênes du pouvoir dans nos Etats.
Nous ne sommes pas confrontés aux mêmes problèmes que les Etats capitalistes développés d’Europe et les USA. En Europe par exemple, les peuples ont des problèmes liés aux contradictions internes au capitalisme développé. C’est pour cela que d’une élection à l’autre, ils balancent entre diverses conceptions de développement (gauche, droite, extrême droite, gauche etc.). Dans nos Etats africains, nous sommes confrontés à l’insuffisance de développement du capitalisme. Pour accélérer ledit développement, nous avons besoin d’une démocratie bourgeoise complète quand bien même elle apparaît comme factice. Nous avons aussi besoin de renouer avec nos réalités et nos valeurs propres. Il faudra pour cela renverser les vues extraverties de la bourgeoisie africaine.
II- LES ENJEUX DES ELECTIONS LEGISLATIVES DE 2023
Depuis Avril 2016, le Bénin est dirigé par un pouvoir dictatorial qui s’est accaparé de toutes les institutions de la République et qui empêche la compétition électorale aux moyens des lois et des actes d’exclusion. Cela s’est traduit en 2019 par un parlement où tous les députés sont de la mouvance présidentielle. Pour les élections qui ont suivi celle de 2019, le pouvoir a décidé de se faire accompagner par de prétendus opposants qui ont aidé plutôt la dictature à mieux s’installer. C’est ce qui crée la confusion dans les esprits au sujet de la participation de combattants aux élections législatives de 2023. Mais le pouvoir lui-même sait que toutes les tentatives de participation aux élections qu’il organise ne sont pas de la même nature. C’est pour cela qu’il emprisonne certains qui décident de participer et dresse des couronnes à d’autres. Pour autant que toutes les formes légales de lutte soient nécessaires pour régler le problème de la dictature dans notre pays, la bonne participation aux élections législatives de 2023 devient impérieuse et le peuple béninois doit se mobiliser pour en exiger le caractère inclusif, transparent et équitable. Le pouvoir lui-même redoute cela car à chaque fois que ce genre de participation doit intervenir, il est obligé de sortir de ses réserves pour exposer sa nature à la face du monde. Il en a toujours résulté une élévation du niveau de la conscience du peuple. La non-participation de l’opposition véritable le laisserait dans sa zone de confort. Le risque de se faire doubler par des traitres éventuels, n’est pas nul. Mais comment vaincre une dictature sans aucun risque ?
Cotonou, le 17 juin 2022
Eugène AZATASSOU