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« La Cédéao ne peut plus accepter que la loi des armes l’emporte sur la loi des urnes », Hassoumi Massoudou, ministre des Affaires étrangères

Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Niger, Hassoumi Massoudou, est ce lundi 14 août l’invité de Liza Fabbian et Cyril Payen. Dans une entrevue exclusive réalisée à Abuja, la capitale du Nigeria, et diffusée sur RFI et France 24, M. Massoudou a estimé qu’une intervention militaire au Niger « est toujours dans l’agenda » de la Cédéao, mais qu’il ne s’agirait en aucun cas d’une « guerre contre le Niger ».

Le ministre en exil, qui s’inquiète de la dégradation de la situation sécuritaire au Niger ces dernières semaines, rappelle que les négociations engagées jusque-là avec le régime militaire « n’ont abouti à rien du tout ». « Tout reste négociable », mais à condition que la junte « se retire » et que le président Mohamed Bazoum soit « libéré et rétabli dans ses fonctions », déclare notamment Hassoumi Massoudou. Il exclut cependant la possibilité d’une transition, « qui serait l’acceptation du fait accompli du coup d’État » au Niger.

France 24 : Hassoumi Massaoudou, alors le Niger, on le sait évidemment, est en grave crise depuis le coup d’État du 26 juillet. Monsieur le ministre des Affaires étrangères, est ce que cette situation est réversible ?

Hassoumi Massaoudou : Je voudrais d’abord dire que ce coup d’État, comme on l’appelle, est intervenu dans un ciel serein. Le Niger n’était pas en crise, le Niger n’était pas en effervescence, le Niger avait des succès tant sur le plan de la lutte contre le terrorisme que sur le plan économique. Le taux de croissance, les chiffres, sont là pour l’attester. Et voilà que le chef de la garde présidentielle, censé assurer la sécurité du président, le séquestre. Deuxièmement, c’est une prise d’otages et la rançon de la prise d’otages, c’est qu’on leur permette de se maintenir au pouvoir à travers une transition, parce que le but de tous les putschs, c’est une transition. Donc il s’agit aussi d’une prise d’otages, et voilà la rançon. Et je dis que c’est réversible, parce que la Cédéao ne peut plus accepter qu’effectivement la loi des armes l’emporte sur la loi des urnes.

RFI : Et aujourd’hui, est-ce qu’une solution négociée est envisageable entre Nigériens ?

Il n’y a pas de crise entre Nigériens, il n’y a pas de situation de conflit entre Nigériens. Il y a une situation qui est créée et la Cédéao est déterminée à ne pas accepter cela. Il y a d’abord les sanctions qui ont été prises. Deuxièmement, elle est assortie d’une menace d’intervention militaire, et je voudrais dire que cette intervention militaire ne se ferait pas contre le peuple nigérien, ni contre le Niger. Il s’agit d’une action militaire de la Cédéao. On a l’habitude : en 2017, il y a eu la Gambie, c’est très récent.

France 24 : Alors parlons-en justement, est-ce que, Monsieur le ministre, on peut encore penser qu’il va y avoir une intervention militaire au Niger ?

Mais elle est dans l’agenda de la Cédéao, bien entendu, puisque les sanctions sont assorties de la menace d’intervention militaire. Évidemment, de cet agenda, en parallèle, se mènent aussi des négociations. Pour le moment, elles n’ont abouti à rien du tout. Quand il y a eu l’intervention du Sénégal sous mandat de la Cédéao en Gambie, on n’a pas parlé de guerre entre le Sénégal et la Gambie. On n’a pas parlé de guerre de la Cédéao contre la Gambie. C’est une intervention banale. Je sais que les préparatifs sont en cours, que cet agenda se déroule en même temps que la possibilité est offerte à la junte de se retirer. Et évidemment, à partir de ce moment, tout est négociable. Dans la mesure où le président Bazoum non seulement est libéré, mais est rétabli dans ses fonctions, tout le reste est négociable. Évidemment, il n’est pas question dans le mandat de la Cédéao de parler de transition, qui serait l’acceptation du fait accompli du coup d’État. La Cédéao et les chefs d’État, je les ai entendus, étaient très remontés, ils ne sont pas prêts à accepter que la loi des armes l’emporte sur la loi des urnes. Regardez les conséquences déjà en deux semaines au Niger. En deux semaines, sur le plan sécuritaire, il y a eu six attaques contre les positions militaires. Vous vous rendez compte ? C’est déjà ça les débuts, les prémices en termes sécuritaires, parce que leur préoccupation n’est plus la lutte contre le terrorisme. Ça, c’est un des éléments. Sans compter ce qui se passe actuellement à Niamey. Vous savez, il y a des pogroms, avec des hordes de jeunes excités par la haine raciale et ethnique, vous voyez tout ce que cela peut donner. C’est pour ça qu’il y a urgence à arrêter ça, à remettre le Niger dans sa trajectoire de paix, de stabilité, de progrès économique, et c’est cela que nous voulons.

RFI : Aujourd’hui, la junte accuse le président Bazoum de haute trahison. Est-ce une façon d’organiser sa déchéance ? À défaut d’avoir obtenu sa démission ?

D’abord, elle n’a aucune légitimité à juger qui que ce soit. Je veux dire que c’est tout à fait ubuesque. C’est vraiment surréaliste d’entendre ces gens-là parler de poursuivre le président Bazoum et ses complices étrangers, des chefs d’État étrangers, etc. Vous voyez dans quoi nous sommes, dans quoi ils veulent ramener le Niger ? Dans des situations que nous avons connues en Afrique dans les années 70. L’Afrique a le droit d’avancer.

RFI : Et justement, sur la stratégie, est-ce que tous les partenaires stratégiques – qu’il s’agisse des partenaires ouest-africains mais aussi des Français ou des Américains – sont sur la même longueur d’onde sur la manière de ramener l’ordre constitutionnel au Niger ?

Je crois qu’il y a un consensus. Tout le monde s’est aligné sur la position de la Cédéao, qu’il s’agisse de l’Union européenne, qu’il s’agisse des États-Unis. Je n’ai pas vu un seul hiatus. Il n’y a pas de décision acceptée, une autre non acceptée, c’est un bloc. Et je considère qu’ils ont pris conscience de la nécessité de soutenir l’Afrique démocratique, l’Afrique de la souveraineté des peuples, et non l’Afrique des aventuriers populistes. Ce danger-là est très grave, c’est source d’instabilité pour l’ensemble de la sous-région. C’est cette prise de conscience que j’ai constatée au sein du sommet de la Cédéao.

France 24 : Pensez-vous que le président Bazoum va être libre bientôt, d’une manière ou d’une autre ?

Je pense qu’il n’y a pas le choix et qu’il sera forcément libre. Je ne vois pas comment ils peuvent continuer dans cette trajectoire-là. Tous les jours, dans tout le reste du pays, il y a des manifestations. Le jour du coup d’État, il y a eu une manifestation spontanée, parce que quand on voit que ceux qui s’expriment, ce sont seulement les pro-juntes, les autres sont sous la menace des tirs et des balles. Mais avec tout ça, la mesure que nous avons de la réaction populaire est générale dans l’ensemble du pays.

Par :Liza Fabbian|Cyril Payen/Rfi

 

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