« La proposition du député Aké Natondé est dangereuse et attentatoire à la paix sociale », Valentin Djènontin

Valentin Djènontin fustige la proposition de loi portant modification de la loi N°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral en République du Bénin. Pour l’ancien député en exil, la proposition du député Aké Natondé est un « braisier pour 2026 ».

"La proposition du député Aké Natondé est dangereuse et attentatoire à la paix sociale", Valentin Djènontin

Valentin Djènontin fustige la proposition de loi portant modification de la loi N°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral en République du Bénin. Pour l’ancien député en exil, la proposition du député Aké Natondé est un « braisier pour 2026 ». Lire son appel au président Talon.

 

LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
AU PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE,
AU PRESIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
AINSI QU’A TOUTES LES FORCES VIVES DE LA NATION BENINOISE.
PROPOSITION DE LOI PORTANT MODIFICATION ET COMPLEMENT DE LA LOI N° 2019-43 DU 15 NOVEMBRE 2019 PORTANT CODE ELECTORAL EN REPUBLIQUE DU BENIN DE L’HONORABLE AKE NATONDE DU PARTI UP-R : UN BRASIER POUR 2026.
« Pour l’amour de Sion (Bénin) je ne me tairai point, pour l’amour de Jérusalem (Bénin) je ne prendrai point de repos, jusqu’à ce que son salut paraisse, comme un flambeau qui s’allume. » Esaïe 62 : 1
Excellence Monsieur le président de la République, Patrice TALON ;
Honorable Monsieur le président de l’Assemblée nationale, Louis VLAVONOU ;
Sage conseiller Monsieur le président de la Cour Constitutionnelle, Dorothée SOSSA ;
Mesdames et Messieurs les Présidents et membres des institutions de la République ;
Mesdames et Messieurs, membres du corps diplomatique accrédités près le Bénin ;
Messieurs les membres du haut commandement militaire ;
Eminences, les Evêques de la Conférence Episcopale du Bénin (CEB) ;
Révérends Pasteurs du Collectif des Associations des Eglises Evangéliques du Bénin (CAEEB) ;
Dignitaires de la Communauté Islamique du Bénin (CIB) ;
Dignitaires des Religions endogènes et autres confessions religieuses ;
Mesdames et Messieurs les Secrétaires Généraux des Centrales syndicales ;
Mesdames et Messieurs, membres des organisations de la société civile ;
Chers compatriotes.
Conformément aux dispositions de la Loi N° 2019-40 du 07 novembre 2019 portant constitution (révisée) du Bénin et de la Loi N° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral, le Bénin connaîtra ses premières élections générales en 2026 ; 36 ans après la célèbre et historique conférence des forces vives de 1990 qui a consacré la démocratie et l’Etat de droit dans notre pays.
Une première sous l’ère du renouveau démocratique.
J’avais résolu pendant cette période de carême prendre congé des problèmes politiques du Bénin et garder le silence.
Malheureusement, tôt ce matin, sur ma couche, mon esprit à l’intérieur de moi m’a interpellé et m’a invité à rédiger cette lettre ouverte à l’intention des autorités nationales, les forces vives du Bénin et l’opinion internationale.
Le péril sur la paix au Bénin est immense et en tant que citoyen, le devoir m’appelle d’alerter.
La proposition de loi de modification du code électoral déposée par le député AKE Natondé (UPR) sur injonction du Président Patrice TALON est un brasier qui va ravager le Bénin entier à l’horizon 2026 en raison du germe d’exclusion évidente qu’elle porte en elle.
Se fondant faussement sur la Décision DCC 24-001 du 4 janvier 2024 de la Cour Constitutionnelle, le député AKE Natondé a proposé une loi qui contredit les injonctions de la Haute Juridiction.
Quant à l’article 157-2 de de la même Constitution, il prévoit : « En vue de l’organisation des élections générales en 2026, le mandat des députés élus en 2023 a pour terme, la date d’entrée en fonction des députés élus en 2026 à 00H. »
Considérant qu’aux termes respectivement des alinéas 2 et 3 de l’article 153-2 de la Constitution, « les députés élus à l’Assemblée nationale entre en fonction et sont installés le deuxième dimanche du mois de février de l’année électorale… », « … les conseillers communaux élus entrent en fonction et sont installés entre le premier et le troisième dimanche du mois de février de l’année électorale. » ;
Qu’il en résulte de la lecture combinée de ces dispositions que le mandat des députés élus en 2023 expire le 8 février 2026 et celui des conseillers élus en 2020, du premier au 15 février 2026 suivant le calendrier de l’installation de leurs successeurs ;
Quant à l’article 135 du code électoral, il indique que « les dépôts de candidature sont faits 50 jours avant l’ouverture de la campagne électorale pour le premier tour du scrutin » ;
Qu’enfin l’article 8 dudit code précise que « l’élection du président de la République est organisée le deuxième dimanche du mois d’avril de l’année électorale. » ;
Qu’il s’en infère que le premier tour de l’élection présidentielle a lieu le dimanche 12 avril 2026 et que les candidats ont jusqu’au 5 février 2026 pour déposer leur dossier à la CENA ;
Qu’au nombre des exigences prévues par les articles 44 de la Constitution et 132 du code électoral, pour valablement constituer le dossier de candidature, figure le parrainage d’au moins 10% de l’ensemble des députés et des maires ;
Que le parrainage étant requis des députés et maires en fonction avant la clôture du dépôt des dossiers de candidature, les députés issus des élections législatives de 2023 sont tous en droit de parrainer les candidats à l’élection présidentielle de 2026, ce qui n’est pas le cas pour tous les maires ;
Qu’en effet, seuls les maires issus des élections communales de 2020 et ceux élus lors des élections générales de 2026 et installés entre le 1er et le 5 février 2026 pourront procéder aux parrainages ;
………..
EN CONSEQUENCE
Article 1er : Dit que la requête de monsieur Codjo G. GBEHO est irrecevable.
Article 2 : Se prononce d’office.
Article 3 : Dit que l’Assemblée nationale est invitée à modifier le code électoral pour, d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires et, d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution les dispositions de l’article 142, alinéa 6 de la loi N°2019- 43 du 15 novembre 2019 portant code électoral.
La présente décision sera notifiée à Monsieur le président de la République, au président de l’Assemblée nationale, au président de la commission électorale nationale autonome (CENA), à Monsieur Codjo G. GBEHO et publié au Journal officiel.
Voilà reproduite la teneur de la décision de la Cour Constitutionnelle.
« Les députés issus des élections législatives de 2023 sont tous en droit de parrainer les candidats à l’élection présidentielle de 2026… »
Les prérogatives de la Cour Constitutionnelle sont claires et n’ont besoin d’aucune interprétation.
« La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » (Article 114) ;
« Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles. » (Article 124).
Le cœur de la proposition de loi AKE Natondé se trouve dans son Article 40 nouveau : «
La déclaration de candidature est présentée trente-cinq (35) jours avant la date fixée pour le démarrage de la campagne électorale à la CENA.
Dans tous les cas, seuls les députés élus et les conseillers désignés maires au titre de l’année électorale ont le pouvoir de parrainer les candidats à l’élection du duo président de la République, vice-président de la République au cours de la même année électorale. »
Cette nouvelle disposition proposée par AKE Natondé est à tout point de vue contraire aux recommandations de la Cour Constitutionnelle en date du 4 janvier 2024.
Elle est dangereuse et attentatoire à la paix sociale.
C’est une grande brèche ouverte pour l’exclusion totale de l’opposition des élections générales de 2026. Seuls les candidats choisis par Patrice TALON seront en lice pour les élections communales, législatives et présidentielle de 2026.
Tous les maires et députés de 2026 désignés dans ces conditions étant les ouvriers de
Patrice TALON, il sera seul à décider comme ce fut le cas en 2021, des candidats à la présidentielle de 2026 qui auront droit au parrainage, étant seul détenteur de toutes les fiches de parrainage (109 députés + 77 maires).
Faire une autre lecture de la proposition de loi de Natondé AKE, c’est manquer d’objectivité ; c’est méconnaître le mode opératoire de Patrice TALON depuis avril 2016.
La Cour Constitutionnelle ne doit en aucun cas se dédire en cautionnant cet holdup électoral en perspective.
Un second indice perceptible qui témoigne que la présidentielle de 2026 sera tout et non une élection sérieuse est le nombre de jours séparant le dépôt des dossiers, de l’ouverture des campagnes électorales : 35 jours.
Matériellement, c’est impossible pour la CENA d’organiser dans un délai de 35 jours une élection présidentielle sérieuse, crédible et transparente au regard de toutes les exigences, formalités, commandes, formation, désignation superviseurs, coordonnateurs, agents de vote, choix de spécimen, impression de bulletins, etc.
35 jours, c’est le gage d’une élection bâclée à dessein ; un tripatouillage innommable.
Au regard du climat politique, social et économique tendu ; voulu et entretenu par le président Patrice TALON et son régime depuis avril 2016, je me fais le devoir de publier cette lettre ouverte.
L’enjeu est donc de taille et les défis à relever sont énormes. Aucun sacrifice ne serait de trop pour être consenti quel que soit notre bord politique, idéologique, religieux ou philosophique.
De l’intérieur comme de la diaspora, chaque Béninois, sans crainte de représailles ou de réprimande, doit pouvoir librement prendre position et œuvrer pour la paix, la cohésion sociale, le développement et l’épanouissement de son pays.
Lesdites élections générales qui doivent se tenir dans moins de 23 mois, vont se dérouler dans un environnement politique sous-régional très hostile, menaçant et grave ; d’où mes incessants appels lancés à tous les artisans de la paix en vue de conjuguer tous nos efforts dans une attitude pieuse, courageuse et volontaire, afin que le contexte sous-régional tendu ne trouve aucun prolongement tragique chez nous dans notre pays, sur la terre de nos ancêtres.
A ce facteur exogène s’ajoute celui de la forte fracture sociale existante du fait de la gouvernance d’exclusion, d’arrogance, de mépris qui contraint à une évidente destruction, les fondements séculaires de notre démocratie.
La cerise sur le gâteau infecté est la proposition de loi d’exclusion du député AKE Natondé portant modification et complément du code électoral en république du Bénin en cours d’étude lors de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale convoquée sur demande de soixante (60) députés de la mouvance présidentielle.
Ladite session a été ouverte le mercredi 21 février 2024 et suspendue pour être poursuivie le lundi 26 février 2026.
Une proposition de loi portant révision de la constitution déposée par le député Assan SEIBOU est également enrôlée.
Pour éviter que le pays ne bascule dans un chaos irrémédiable, le Chef de l’Etat Patrice TALON, les anciens présidents de la République, les présidents des institutions, le haut commandement militaire, tous les corps constitués, les sages, les intellectuels doivent se donner la main pour définitivement conjurer les démons d’exclusion, de division, d’autocratie, de meurtre, de pillage, de népotisme qui ont pris d’assaut le pays depuis 2016.
L’aube nouvelle doit être à nouveau chantée.
C’est fort de cette urgence que je prends publiquement la parole pour lancer cet appel ; que dis-je, alerter comme jadis en vain en 2019 ; 2020 ; 2021 ; 2023 aux fins d’éviter le pire.
La suite, nous la connaissons tous avec des dizaines de morts, des prisonniers politiques, des exilés politiques, des veufs, des veuves, des orphelins, des déscolarisés, à la suite de chaque élection organisée sous le régime du Président Patrice TALON.
En effet, aucune élection sous le régime de la rupture n’a été inclusive, pacifique, transparente, crédible. En lieu et place d’élection pour élire les représentants du peuple, le régime a toujours nommé systématiquement d’autorité ses partisans, parents et amis à des postes électifs sous le malin couvert de scrutins frauduleux homologués par la CENA, la Cour Constitutionnelle, les autres institutions de la République et avec la bénédiction déloyale tant de l’armée que de la police nationale.
Le Bénin est devenu méconnaissable.
Apparemment, il semblerait qu’il n’y a plus de personnalités morales, de sages, d’intellectuels, de responsables religieux dignes de confiance et d’écoute dans notre pays !
L’argent a tout perverti.
Tout s’achète et tout se vend même la dignité et les honneurs. Silence et on pille.
Heureusement que dans cet océan d’indignité nationale, quelques rares citoyens honnêtes lèvent la voix au risque de leur vie pour faire la différence. Très vite, ils sont harcelés par la police aux ordres et poursuivis par la justice instrumentalisée. Ils se retrouvent au meilleur des cas en exil sinon en prison ou sous terre avec des lots de désolation pour leurs parents, amis, familles et proches.
Face au déclin démocratique, social et économique du pays où tout appartient au prince qui possède tout, achète tout et vend tout avec droit de vie, de mort et sursis sur tous ses concitoyens, il apparaît évident que lui seul décide contrairement à tout principe démocratique, de qui peut rester libre ou non, rester dans le pays ou non, faire de la politique ou non, exercer telle activité ou non.
Au regard de ce qui précède, l’impérieux devoir d’unifier le peuple divisé s’impose à nous.
Mais plus encore celui d’empêcher tout prix, le sacrifice de notre Nation à des forces maléfiques assoiffées de sang humain.
La situation de négation de scrutins transparents, crédibles et inclusifs que l’on vit au Bénin depuis l’avènement de Patrice TALON à la magistrature suprême, ne devrait surprendre aucun observateur politique attentif. Malheureusement, le gain facile, les vaines gloires, le manque de dignité, de loyauté chez la plupart des hommes politiques ont fait qu’ils ont oublié ou banalisé son sinistre projet de gouvernance autocratique qu’il a pourtant arrogamment étalé sur les chaînes de télévision devant micro et caméras : ce qui permet à un chef d’Etat de se faire élire, ce n’est pas son bilan ; c’est la manière dont il tient tout le monde. Quand tu n’as pas d’adversaire sérieux, tu as beau être mauvais, tu seras réélu….
La dernière élection crédible, inclusive, apaisée organisée au Bénin remonte à mars-avril 2016.
Depuis l’accession de Patrice TALON à la magistrature suprême et particulièrement à partir de 2019 où les élections au Bénin sont devenues source de vives tensions meurtrières, organiser trois élections majeures la même année sans prendre des mesures adéquates, c’est ouvrir la boîte de pandore.
Après dix ans d’humiliation, de mépris, d’arrogance, de spoliation de tout un peuple par une minorité qui a assommé le pays de colossales dettes jamais égalées sans contrepartie visible sur le terrain, hormis les scandales monstres, les dossiers de drogue, de crimes de sang, notre commune patrie marche inexorablement vers un futur sombre et incertain.
L’heure a sonné pour tous, sans distinction aucune de travailler à sauver la patrie.
Tout esprit partisan, égoïste ou de conservatisme de positions actuelles acquises risquent d’être fort fatal pour les uns et les autres puisque tout pourrait voler en éclat en cas de crises sérieuses. Dès lors, tout le monde a intérêt à bien négocier le tournant décisif de 2026 où pour la première fois, sous le renouveau démocratique entamé en 1990, le Bénin va organiser la même année trois importantes élections : communales, municipales, législatives et présidentielle dans un climat de profondes fractures sociales.
L’urgence du Bénin avant tout scrutin paisible, sécurisé demeure la convocation d’une assise nationale pour la restauration de la démocratie et de l’Etat de droit.
Les actes ci-après sont recommandés au minima :
– Libération de tous les détenus politiques,
– Retour sécurisé des exilés politiques,
– Levée de toutes les restrictions contenues dans divers codes et lois par abrogation,
– Relecture concertée de la charte des partis politiques,
– Suspension de la constitution révisée et restauration de la constitution de 1990 conformément aux arrêts de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ainsi que le code électoral de 2013.
Jeudi 22 février 2024
DJENONTIN-AGOSSOU Valentin
Ancien Ministre, Ancien Député. – BENIN.

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