Quand l'anodin devient une information

Wadagni meilleur ministre des Finances d”Afrique : “Ce classement est très flatteur pour le Bénin et son ministre”, selon Geraldo Gomez

0

CAS PRATIQUE DE PENSÉE CRITIQUE: LE CLASSEMENT DES MEILLEURS MINISTRES AFRICAINS DES FINANCES.

J’ai vu et lu que le Bénin est honoré par un classement au premier rang de son ministre de l’Economie et des Finances comme meilleur ministre africain des finances.

Romuald Wadagni, meilleur ministre des Finances face à ses pairs de toute l’Afrique: un honneur pour le Bénin à ne pas bouder.  Félicitations, d’autant plus qu’il devance  des géants comme le Maroc  et la Côte d’Ivoire, sans compter l’imposant Angola.

L’euphorie retombée, je dois avouer avoir été surpris de ne pas voir parmi les 5 meilleurs retenus ici l’Afrique du Sud ou le Nigeria. Peut-être me demandera-t-on pourquoi ils devraient en faire partie? Je répondrai forcément en pensant à des critères que j’ai à l’esprit : entendu qu’ils sont première et deuxième économies du continent. Mais ce ne seraient que « mes » critères.

Voilà pourquoi il est plus utile et fondé scientifiquement de chercher d’abord à mieux comprendre les critères du classement retenus par le  Journal Financial Afrik, basé à Dakar. Quels critères et quelle méthodologie?

Le jury de Financial Afrik est composé de 5 membres. Ils ont tenu compte:

– d’une « sélection initiale faite à partir du croisement des opinions des partenaires technico-financiers (BAD, Banque Mondiale, FMI), des agences de notation et des organismes d’évaluation de risque pays etc) ».

– ⁠le jury a « a ensuite ajouté de la perspective qualitative basée sur le leadership (…), la promotion du pays, la capacité à mobiliser des financements en faveur de l’économie, la croissance et les équilibres macro-économiques (…) ».

– ⁠enfin il y a un vote populaire sur la sélection initiale.

Les critères sont assez subjectifs. Puisque la sélection initiale est basée sur des opinions, appréciée par un vote populaire sans critère prédéfini et une pondération par des critères qualitatifs et donc subjectifs déterminés par et pour les 5 membres du jury. Seules les problématiques liées au taux de croissance, au taux d’endettement et au taux du déficit sont des données objectives, vérifiables.

Or puisqu’il  s’agit de l’économie et des finances, il m’a paru plutôt nécessaire de scruter ce qui alimente l’économie et les finances d’un État: les banques. Elles collectent l’épargne, consentent les crédits et alimentent la production. À ce titre j’ai alors cherché à savoir s’il y avait un classement des meilleures banques au niveau des pays africains. Les réponses sont assez édifiantes.

J’ai trouvé dans le même magazine Financial Afrik et dans d’autres supports des classements des 30 meilleures banques africaines. Le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Egypte et l’Algerie sont toujours en pôle position dans tous les classements, en plaçant leurs banques non seulement  en tête, mais en plus avec le plus grand nombre de leurs banques faisant partie des trente. J’ai scruté les classements 2022, 2023 et 2024. Alors qu’en 2022 ces cinq pays ont cumulé à eux seuls 16 banques sur les 30, en 2024 ce sont tout simplement 25 banques qu’ils ont placées parmi les trente premières du continent. Aucune banque du Bénin n’apparaît nulle part dans ces classements des meilleures  banques africaines de 2022 à 2024. Alors, on peut s’interroger: qu’est-ce qui rend l’économie béninoise aussi performante au point de distinguer son ministre comme étant le meilleur devant tous ceux qui ont leurs sources de financement de leurs économies bien plus performantes comme celles du Bénin?.

Les critères retenus par les 5 membres du jury Financial Afrik prennent en compte l’environnement global du pays et même des aspects individuels tels que le parcours académique des ministres. Ce qui signifie que les critères pris en compte dépassent ou sont hors le périmètre d’actions d’un ministre de l’économie et des finances, et couvrent plusieurs domaines ministériels. Une raison supplémentaire pour pondérer la méthodologie adoptée par le jury.

Ce classement est très flatteur pour le Bénin et son ministre.  Il ne faudrait pas bouder ce plaisir pour ceux qui y tiennent. Toutefois, il faut garder la tête froide et savoir que l’essentiel est ailleurs, et qu’on devrait travailler davantage à favoriser un meilleur climat pour que nos banques fonctionnent mieux, soient plus compétitives, aient plus d’impact sur le climat des affaires. Le taux de bancarisation est de l’ordre de 36% (chiffre Sikafinance de Mai 2024) mais en croissance. Ce qui promet de nouvelles potentialités de collectes de l’épargne, de mise à disposition des prêts et des moyens de paiements.

Géraldo Gomez

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.