Au Niger, si le président Mohamed Bazoum est retenu depuis le 26 juillet par les militaires qui l’ont renversé, d’autres membres de son gouvernement se sont réfugiés hors du pays, en lieu sûr. C’est le cas d’Alkache Alhada, ministre du Commerce, et ex-ministre de l’Intérieur. Au téléphone de Pauline Le Troquier, il revient sur ce putsch au Niger, qui n’a, selon lui, rien à voir avec les précédents connus par le pays.
RFI : Vous êtes actuellement dans la clandestinité. Est-ce que vous maintenez des contacts de travai avec d’autres ministres ? Est-ce que vous avez reconstitué une sorte de gouvernement légitime en exil ?
Alkache Alhada : Absolument. Le Premier ministre Mahamadou Ouhoumoudou est en France, le ministre d’État aux Affaires étrangères Hassoumi Massaoudou est à l’extérieur, et moi-même et un certain nombre d’autres qui sont fidèles au président de la République Mohamed Bazoum, nous sommes en contact évidemment. Nous continuons le travail que nous devons faire pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans sa fonction présidentielle.
Est-ce que vous avez eu la possibilité de communiquer avec le président Mohamed Bazoum ces derniers jours ?
Oui, absolument. Nous avons pu entrer en contact avec lui. Il se porte très bien. C’est quelqu’un qui a un moral très fort. Dans des moments troubles, malgré la situation dans laquelle il est, il nous insuffle encore la force de continuer le combat.
Depuis ce lundi matin, le Niger est sous la menace d’une intervention armée de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Cette option fait polémique dans plusieurs pays de la sous-région. Quel est votre point de vue là-dessus ?
Nous, nous endossons toutes les décisions qui ont été prises par la Cédéao. Évidemment, il revient maintenant à la Cédéao de voir, dans le cadre du chronogramme qu’elle s’est fixé, ce qu’il faut faire à tel ou tel moment.
Que répondez-vous à ceux qui considèrent que c’est une mauvaise solution ?
La Cédéao, c’est plusieurs États. Ce sont aussi des chefs d’État qui ont parfaitement conscience du danger que constitue cette situation au Niger, non seulement pour le Niger mais aussi pour l’ensemble de l’Afrique. Aujourd’hui, Mohamed Bazoum incarne le futur démocratique africain. Et donc, c’est ce futur démocratique africain que la Cédéao est en train justement de chercher à sauvegarder.
Justement, est-ce que vous croyez encore à une libération négociée du président Mohamed Bazoum ?
Moi, je croirai à une libération négociée jusqu’au bout. J’estime qu’il est toujours temps de revenir à la raison. Il faut que les militaires comprennent que c’est une aventure sans lendemain et qu’il est encore temps de faire en sorte que les gens s’entendent de façon pacifique plutôt que par l’utilisation d’autres moyens.
Pour revenir aux raisons avancées par les putschistes pour justifier leur coup d’État, que répondez-vous à l’argument de la dégradation sécuritaire qu’ils dénoncent ?
L’argument sécuritaire est en argument spécieux qui ne reflète pas du tout la réalité. Au contraire, il y a eu lors de la présentation des vœux au président de la République cette année, le chef d’état-major -à l’époque, c’était le général Salifou Modi-, vous reprenez son discours, vous écoutez ce qu’il dit, c’est justement les efforts qui ont été faits grâce au président Bazoum et qui ont permis d’avoir une situation apaisée par rapport au Burkina Faso ou par rapport au Mali. Donc, cet argument-là ne tient pas la route et ils le savent très bien.
Que voudriez-vous dire aux Nigériens qui sont aujourd’hui sous le coup de sanctions économiques de la Cédéao et qui voient dans ce nouveau pouvoir des perspectives positives ?
Le sac de riz qui était à 10 500 francs CFA [environ 15 euros], aujourd’hui, il est vendu à 15 000 et peut-être qu’il va passer à 17 000 [25 euros]. Donc, cette situation va s’aggraver évidemment parce que les frontières sont fermées. De ce point de vue-là, il faut que l’ensemble des Nigériens réfléchissent et se disent que ces acquis, il faut absolument les préserver.
Dans l’histoire du Niger, il y a eu régulièrement des coups d’État par lesquels l’armée entendait réguler la vie politique. Est-ce que celui-ci est différent des autres ?
Totalement différent, il n’a absolument rien à voir. Il y a eu des coups d’État au Niger qui ont été des coups d’État qui tendaient à rétablir justement la démocratie lorsque celle-ci était mise en cause. Et ici, voilà un coup d’État qui intervient justement pour remettre en cause la liberté, pour remettre en cause la démocratie. Et c’est ça l’absurdité de la situation dans laquelle nous sommes. Et c’est aussi pour cela qu’il faut vraiment l’arrêter, parce que si ce coup d’État passe, c’est toute l’Afrique qui va en pâtir.
Par : Pauline Le Troquier/Source : Rfi