Colombie : Démission du ministre des Finances face aux morts lors de manifestations contre la réforme fiscale

Alors que le chef de l’Etat a annoncé dimanche le retrait du projet de réforme fiscale, les opposants continuent d’appeler à manifester

L’opposition à une réforme fiscale en Colombie prend depuis une semaine une tournure dramatique. Les violences lors des manifestations ont fait une vingtaine de morts et plus de 800 blessés. Pour tenter de calmer une mobilisation qui ne semble pas faiblir, le ministre des Finances a démissionné lundi.

« Mon maintien au gouvernement rendrait difficile l’édification rapide et efficace des consensus nécessaires » pour mener à bien une nouvelle proposition de réforme, a justifié Alberto Carrasquilla, ministre depuis l’arrivée au pouvoir du président Ivan Duque en août 2018. Il est remplacé par l’économiste José Manuel Restrepo, jusque-là ministre du Commerce.

Un nouveau texte à l’étude

Le chef de l’Etat avait annoncé dimanche le retrait de ce projet pour en élaborer un nouveau, après cinq jours de protestations qui se sont soldés par la mort de 18 civils et d’un policier, selon le Défenseur du peuple, entité publique de protection des droits. Le ministère de la Défense a pour sa part fait état de 846 blessés, dont 306 civils. En outre, 431 personnes ont été interpellées au cours des troubles qui, depuis le 28 avril, ont émaillé certaines manifestations, bien que la plupart aient été pacifiques.

Sous la pression des manifestations, le président conservateur a fait savoir dimanche que le nouveau texte va exclure les points les plus contestés, notamment une hausse de la TVA sur les biens et les services, ainsi que l’élargissement de la base d’imposition sur les revenus. Mais cela ne semble pas suffire. Plusieurs centaines de manifestants sont à nouveau descendus lundi dans les rues de Bogota, Medellin ou encore Cali. Le Comité national de grève, à l’origine de la mobilisation initiale, a en outre appelé à manifester à nouveau mercredi, bien que la plupart des grandes villes soient sous le coup de restrictions de déplacement avec la crise du Covid-19.

 20 Minutes avec AFP

L’ancienne présidente bolivienne Jeanine Añez sous les verrous

En décembre 2019, l’ancien président Evo Morales, réfugié en Argentine, était accusé de «terrorisme» et de «sédition». La sénatrice de droite Jeanine Añez occupait alors la fonction de présidente, par intérim, le temps d’organiser une nouvelle élection. Aujourd’hui, les rôles sont inversés.

Jeanine Añez est escortée vers une prison de La Paz, en Bolivie, ce lundi.

Le MAS, Mouvement vers le socialisme, fondé par Evo Morales, a remporté la présidentielle du 18 octobre, les poursuites contre l’ancien président ont été abandonnées. Rentré en Bolivie, il est officiellement en retrait de la politique, même s’il ne se prive pas d’intervenir régulièrement dans le débat.

Et c’est Jeanine Añez qui se retrouve cette fois devant la justice, qui plus est pour les mêmes chefs d’inculpation que son prédécesseur : «terrorisme» et «sédition». Elle est entrée en prison samedi, pour une détention préventive de quatre mois. Trois ex-ministres de son gouvernement et trois haut gradés de l’armée sont eux aussi poursuivis.

Soupçons de fraude et manifestations

Les détracteurs d’Evo Morales, premier président indigène du pays, estiment que les juges manquent d’indépendance, l’ancienne sénatrice n’ayant pour eux pas provoqué le «coup d’Etat» – expression employé par le MAS – qui avait chassé l’homme, au pouvoir depuis 2006 (et bien décidé à y rester).

Après l’annonce de la victoire de Morales dès le premier tour, ses opposants avaient crié à la fraude et avaient manifesté, soutenus par une partie des forces de l’ordre. Une trentaine de personnes avaient été tuées dans les affrontements.

Après l’intervention du chef des armées, le général Kaliman, qui «recommandait» au président de s’effacer, Evo Morales avait présenté sa démission et quitté le pays. Dans la confusion, Jeanine Añez, deuxième vice-présidente du Sénat, avait alors été désignée chef de l’Etat, via un processus controversé.

«Acte de persécution politique».

Sur les réseaux sociaux, celle qui fut à la tête de la Bolivie de novembre 2019 à novembre 2020 a dénoncé un «acte de persécution politique». Le gouvernement «m’accuse d’avoir participé à un coup d’Etat qui n’a jamais eu lieu», a-t-elle écrit, comparant le MAS aux dictatures boliviennes du XXe siècle. Depuis son fief du Chaparé, où il a commencé sa carrière politique comme leader syndical des cocaleros (cultivateurs de coca), Evo Morales a réclamé que soient «sanctionnés» les responsables de son éviction de 2019.

Déposée par une députée du MAS, la plainte qui est à l’origine de l’arrestation de Jeanine Añez vise également le dirigeant régionaliste de la ville de Santa Cruz tout juste élu, Luis Fernando Camacho. Militant anti-MAS au discours volontiers raciste, il a joué un rôle clé dans les manifestations qui ont conduit au départ d’Evo Morales.

«Des citoyens qui ont servi la Bolivie»

La conférence épiscopale de Bolivie, très influente, a réclamé dans un communiqué «la mise en liberté immédiate des personnes arrêtées». Les évêques «ne peuvent rester passifs alors que l’on poursuit des citoyens qui ont servi la Bolivie» dans «des moments difficiles de son histoire».

L’ex-président centriste Carlos Mesa, battu en novembre par le dauphin de Morales, Luis Arce, a lui aussi dénoncé les arrestations et les mandats d’arrêt, évoquant «un processus de persécution politique pire que lors des dictatures» qu’a connues la Bolivie. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé au respect «de procédures équitables et d’une transparence totale», et l’Union européenne a réagi par la voix de son chef de la diplomatie, Josep Borrell : sur Twitter, il en appelle à «une justice transparente et sans pression politique, dans le respect de l’indépendance des pouvoirs».

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