Québec débloque 19,8 millions de dollars pour aider les conjoints violents

Les organismes d’aide aux conjoints violents espèrent faire diminuer les délais d’attente pour permettre à ceux-ci d’intégrer un groupe de thérapie grâce à la bonification de 19,8 millions dollars sur cinq ans annoncée jeudi par Québec.

« En investissant dans les services d’intervention auprès des auteurs de violences conjugales et familiales, le gouvernement du Québec reconnaît non seulement l’importance et la valeur de tels services, mais lance du même coup un message clair aux hommes qu’il est possible d’obtenir une aide professionnelle lorsqu’ils en ont besoin, et ce, avant qu’il ne soit trop tard », a mentionné Sabrina Nadeau, directrice générale de l’Association à cœur d’homme.

Un homme qui demande de l’aide peut actuellement attendre jusqu’à trois mois sur une liste d’attente, révélait Le Devoir en mars dernier. Plusieurs organismes d’aide aux victimes de violence conjugale avaient prévenu le gouvernement que les sommes prévues au dernier budget étaient insuffisantes pour faire face à l’urgence.

Devant la vague de féminicides, Québec a annoncé la semaine dernière débloquer 223 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans pour « un plan d’urgence ».

Cette annonce est survenue une semaine après le décès de Dyann Serafica-Donaire, la dixième femme à avoir été tuée dans un contexte de violence conjugale cette année. La mère de famille de 38 ans a été retrouvée sans vie par les policiers de Mercier après un appel fait au 911. Son conjoint, Richard West, l’aurait tuée avant de s’enlever la vie.

« Prendre en charge un homme violent ou à risque de le devenir, c’est aider sa femme et ses enfants », a souligné la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault. « Il faut penser aussi qu’un homme violent, si sa femme le quitte, lui peut se refaire une autre conjointe, donc il faut agir à la source pour éviter des victimes en série. »

Le rehaussement du financement annoncé jeudi permettra entre autres la création de 60 nouveaux postes d’intervenants d’ici les six prochains mois.

Responsabiliser les hommes

Québec a également mandaté le député Sylvain Lévesque pour travailler avec les organismes venant en aide aux hommes violents dans le but de dresser un portrait de l’offre de services actuelle.

Il existe certaines divisions entre ces organismes et ceux qui viennent en aide aux victimes, notamment sur la définition de la violence conjugale. Dans le passé, des organismes pour hommes n’adhéraient pas à la définition du gouvernement, qui précise qu’il ne s’agit pas d’une perte de contrôle de la part de l’agresseur, mais plutôt d’un désir de contrôler l’autre.

« Au-delà de ce différend, il y a tout ce qu’on peut faire pour briser le cycle de la violence pour prévenir l’irréparable et éviter un 11e féminicide. Là, on est dans l’urgence », a commenté la ministre Guilbault. Elle a assuré que le réseau À cœur d’homme, qui regroupe 31 organismes, reconnaît la définition du gouvernement.

Un autre élément de discorde concerne le type de thérapies offertes, car elles ne sont pas toujours axées sur la responsabilisation. « C’est exactement le genre de réflexion qu’on aura quant aux meilleures pratiques et qui pourra se faire grâce au mandat que nous accordons à M. Lévesque quant aux meilleures pratiques », a indiqué la ministre Guilbault.

Rappelons que la semaine dernière, une somme de 92 millions destinée aux 110 maisons d’hébergement de première étape pour femmes victimes de violence conjugale avait été annoncée. D’autres annonces sont prévues dans les prochaines semaines concernant le reste de l’enveloppe.

Améli Pineda/Le Devoir