Claudy Siar s’invite dans la crise sénégalaise. A travers une tribune publiée sur sa page Facebook, l’animateur de l’émission ‘‘Couleur tropicale’’ a condamné les décès enregistrés suite aux violences après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko. Claudy Siar propose un nouveau dialogue national pour une sortie de crise. Ci-dessous l’intégralité de son appel.
PROTÉGER LA VIE HUMAINE ! #FreeSenegal
Dans cet enfer préélectoral qui n’a causé que trop de morts depuis 2 ans, les voix appelant au respect de la vie humaine sont essentielles, telle une urgence.
Dans un premier tweet, j’ai appelé Ousmane Sonko à un appel au calme.
Ce n’était pas pour le désigner comme le responsable des troubles. Il est évident que ses partisans sont visés, que les autorités répriment les débordements car la loi leur permet le recours à la force.
Et donc, comme lorsque des personnes sont menacés par des rivaux plus nombreux et mieux armés, que le rapport de force n’est pas en votre faveur, vous préconisez qu’ils restent à la maison pour ne pas perdre leur bien le plus précieux ; LA VIE.
Une évidence pour qui a lu « SUN TZU, l’Art de la guerre ».
Il s’agissait nullement d’une prise de position politique.
D’ailleurs, sur la question du troisième mandat, et après le référendum de 2016, je laisse aux citoyens sénégalais le choix de leur avenir et je n’ai pas à le commenter.
En revanche, quand on tire sur des jeunes JE NE GARDE PLUS LE SILENCE !
Je demande à ceux sur qui on tire, de ne pas s’exposer à la brutalité de la répression et à ceux qui donnent l’ordre de tirer, je rappelle que les manifestants sont tous des sénégalais, que l’histoire s’écrit au présent et que chacun devra assumer ses actes.
Certes parmi les manifestants il y a des pilleurs… mais méritent-ils de mourir ?
Mon humanisme peut interpeller certains en pareille circonstance. Et pourtant, prôner la violence, faire des martyrs, détruire le pays ne sont jamais des solutions. Juste une colère certes légitime, mais une impasse.
L’histoire ne vous reprochera jamais la recherche de la paix, du dialogue pour éviter qu’il y ait plus de morts encore.
Cette posture ne veut pas dire être passif. Au contraire.
L’extrême brutalité du pouvoir peut-être dénoncé avec force et véhémence. Et après ?
La force publique est du côté de l’Etat.
Il y a plusieurs façons de s’opposer à une décision politique.
Prendre du recul, c’est prendre de l’élan. La sagesse n’est pas pacifique. Elle permet de poser le problème de façon plus rationnelle quand l’instant est critique.
Il y en aura toujours, à l’extérieur et à l’intérieur pour pousser les sénégalais à l’affrontement.
Mais ils ne seront jamais en première ligne avec eux.
Ceux qui meurent sont de jeunes sénégalais, appartenant aux couches sociales les plus modestes.
Est-ce toujours les mêmes qui doivent payer l’addition des plus ambitieux ?
Ce 3 juin, n’est pas propice à la nuance des opinions ni à l’appel au dialogue. Tous veulent en découdre…et nous comptons les morts et des deux côtés.
J’ai été frappé, choqué qu’il n’y ait aucune compassion pour les victimes.
Sur Twitter, lorsque j’ai présenté mes condoléances aux familles endeuillées, certains m’ont raillé ! Comment expliquer cette perte soudaine des valeurs sociales élémentaires ?
Tout cela pour une histoire de troisième mandat.
L’Afrique s’est laissée piéger dans cette histoire de la limitation des mandats. Maintenant, certains voudraient ici et là interpréter à leur manière, au gré de leur intérêt, une constitution gravée dans le marbre.
À force d’imiter les autres on se noie dans le marigot.
L’Afrique n’a pas atteint un niveau de développement satisfaisant pour le bien-être des populations. Encore faut-il avoir une idée claire de ce qu’est le développement afin de ne pas tomber dans le modèle économique occidental éculé et destructeur pour la planète et le vivant.
Lorsque je me suis adressé à Ousmane Sonko dans mon tweet, j’avais tout ça en tête.
Comme je l’ai dit voilà plus d’un an dans vos colonnes, il est déjà dans l’histoire.
Le Président Sénégalais également. L’un gouverne encore, l’autre attend son tour. Faut-il qu’il y ait des morts pour l’alternance ? Quelle mentalité nous anime pour manquer à ce point d’humanité et de respect des plus humbles ?
Je le répète, ces jeunes que l’on tue ne sont-ils pas des citoyens sénégalais ?
Sur la conscience de qui ces cadavres vont-ils peser ?
Les jours à venir risquent d’être plus violents encore.
À moins que la répression cesse et que le dialogue s’instaure. J’en connais qui aimeraient voir l’armée prendre le pouvoir.
Désormais, à mon humble avis, il n’y a qu’une seule solution pour apaiser le climat d’insurrection des grandes villes du Sénégal;
UN NOUVEAU DIALOGUE NATIONAL IMMÉDIAT organisé par tous et pas uniquement par l’Etat, réunissant les partis politiques du pays. La libération des opposants politiques doit aussi être un préalable.
Il faut que le Président Macky Sall soit à nouveau ouvert à un dialogue inclusif avec toutes les forces politiques du pays de la Teranga.
De plus, la vie politique sénégalaise ne peut se cristalliser autour de deux personnalités. Il y a d’autres talents, des femmes et des hommes d’envergure sur l’échiquier national.
Le pouvoir ne peut se bâtir sur un bain de sang.
Je pense aux vies humaines perdues.
J’invite les sénégalaises et les sénégalais de toutes conditions sociales, en leurs grades et qualités, à ne jamais créer les conditions d’une contestation violente et meurtrière.
Ce sont les premiers ingrédients d’une guerre civile.
Chaque vie préservée c’est le Sénégal que l’on protège.
Claudy Siar