Délocalisation du marché Dantokpa : Les réserves de Claude Cossi Djankaki ancien DG de la Sogema

La délocalisation annoncée du marché Dantokpa par le gouvernement du président Patrice Talon continue de susciter des réactions dans le rang de la classe politique. Dans une tribune publiée sur sa page facebook ce 2 juillet 24, l’expert en décentralisation et ancien Directeur Général de l’ex-Sogema Claude Cossi Djankaki donne son avis technique. Ceci dans un sentiment de colère et d’incompréhension.

La délocalisation annoncée du marché Dantokpa par le gouvernement du président Patrice Talon continue de susciter des réactions dans le rang de la classe politique. Dans une tribune publiée sur sa page facebook ce 2 juillet 24, l’expert en décentralisation et ancien Directeur Général de l’ex-Sogema Claude Cossi Djankaki donne son avis technique. Ceci dans un sentiment de colère et d’incompréhension.

Mon avis technique sur le déplacement du marché Dantokpa de son site naturel.

La délocalisation du marché Dantokpa, le plus grand marché à ciel ouvert de l’Afrique de l’ouest m’inspire des sentiments de colère et d’incompréhension.

Pour avoir été Gestionnaire de ce marché dans les années 80 sous la révolution et, les années 90 à l’avènement de la conférence nationale, je m’en voudrais de ne pas éclairer les décideurs sur l’impact des décisions qu’ils s’apprêtent à appliquer sans la moindre consultation des autres couches de la société.

1/Quelles sont les études de faisabilité qui ont prévalu à la délocalisation de ce marché de son site naturel ?

2/la traçabilité des circuits de distribution, la provenance des usagers au plan national, régional et international a t’elle été intégrée avant la prise de cette décision ?

De quoi s’agit-il ?

Le marché Dantokpa est une ville marché.

C’est un peu la cité du Vatican à Rome.

Il serait donc souhaitable de ne pas le déplacer sans étude technique rigoureuse qui prend en compte les aspects historiques, spirituels, sociologiques, géographiques, économiques, etc.

Pour ne pas être long, disons simplement qu’au plan économique le marché Dantokpa participe au développement des autres communes du Bénin a travers son statut de ville -marché.

C’est à partir de ce marché que les autres circuits de distribution des produits respectent les prix de vente en détails.

C’est un marché, pourvoyeur d’emplois, de main-d’œuvre à la gente féminine. Le slogan des déguerpissements au bord des trottoirs était que tous les vendeurs doivent aller dans les marchés.

C’est Dantokpa le lieu de rencontre qui détermine les produits commerciaux, les circuits d’approvisionnement et d’écoulement sur toute l’étendue du territoire.

C’est donc une agglomération ou un centre dont la position géographique et les activités principales favorisent les échanges de produits entre son hinterland (arrière pays) et les autres centres urbains.

Son rayon d’action est à la fois local, régional, national et international….

Il a une superficie de plus de 20 hectares répartis en secteur d’activité.

Le paysan de Bassila, Bantè, etc sait par où passer pour aller déposer et vendre ses ignames. Idem pour les autres produits.

Ce marché draine plus de neuf cent quatre vingt dix mille (990.000.000) visiteurs par jour pour plus de trente mille (30.000) commerçants tous les jours sans arrêt à cause de l’affluence non Stop des usagers par trafics aériens, routiers et fluviaux.

Pourquoi alors délocaliser ce marché qui à une âme depuis des décennies, avant d’être consacré respectivement en 1963,1976,1988 ?

Son chenal est la lagune de Cotonou qui relie naturellement la terre ferme à nos deux communes lacustres du Bénin, à savoir Sô-ava, les Aguégués et toute la vallée de l’ouémé.

En déplaçant ce marché, du site naturel choisi par nos ancêtres, quels sont les moyens de transport alternatifs prévus aux communes lacustres et, la vallée de l’Ouémé qui ont établi un quai de débarquement et d’embarquement au marché Dantokpa depuis les arrières parents ? Une ville est une œuvre d’art à laquelle plusieurs générations s’accommodent plus ou moins de ce qui existait avant elles. La ville moderne doit être juxtaposée à l’ancienne. Il faut respecter le passé, ne pas le transformer ni le déplacer. L’on ne doit pas chercher à adapter à des fins modernes, les beautés pittoresques des vieilles villes.

Ailleurs dans le monde, les autres pays sont fiers en nous faisant visiter leurs sites touristiques.

C’est le cas de la place hatchiko à Tokyo au Japon, le vieux port au Québec Canada,les marchés centenaires de la porte d’Italie, de la porte Clignancourt à Paris.

La liste des produits pour ce marché en provenance du Nigeria, notre géant voisin de l’est par trafics fluviaux est inestimable.

Par quels réseaux routiers ou fluviaux tous ses usagers du marché Dantokpa iront au nouveau marché à Calavi et sous quel nom choisi ?

L’on ne transforme pas ce qui est naturel et spirituel par Décret. Le marché Dantokpa a aussi une charge émotionnelle.

Ceux qui avancent sur le pont du présent ont une dette de vérité envers le passé.

Tous les ponts ont une histoire.

Selon Voltaire on doit des égards aux vivants, on ne doit aux morts que la vérité. Le vrai mobile reste à démontrer surtout que pour connaître le fond d’un dossier il faut le confier au temps qui est le second nom de dieu.

En définitive, si par extraordinaire tous ceux qui défendent le projet de délocalisation en application du partenariat public-privé, pour s’approprier de plus de 20 hectares de domaine foncier, sans la moindre compassion aux usagers, en vue d’installer un tourisme balnéaire contre toutes les lois naturelles était vérifiée, le karma, retour des effets sur l’auteur de la cause sera impitoyable.

Par conséquent, il faut éviter que toutes les expropriations pour cause d’utilité publique ne deviennent à moyen ou long terme des expropriations pour cause d’intérêts privés au détriment des gens modestes qui ont su économiser, pour acheter leur résidence ou leur fonds de commerce.

Loin d’être un ultra nationaliste délirant, je ne fais qu’apporter mon témoignage au tribunal de l’histoire.

Dah Claude Cossi Djankaki

-Ancien Directeur des Études et de Planification (DEP) sous la révolution (1987-1990) au ministère de l’intérieur de la sécurité et de l’administration territoriale.

-Ancien Président du conseil d’administration de la SOGEMA 1988-1990

-Ancien DG /SOGEMA à l’avènement de la conférence nationale.

-Etc…

Dantokpa : Une éternité Vodun du Danxomè (Tribune)

L’actualité de la “relocalisation” du marché Dan-tokpa a réveillé les ardeurs des Béninois et de certaines associations. Et c’est le tollé général dans tout le pays. Mais, pourquoi avoir attendu l’échéance pour réagir, là où l’on aurait agi ? Les interviews accordées aux journaux m’ont réveillé. Et j’ai voulu pour une fois encor

L’actualité de la “relocalisation” du marché Dan-tokpa a réveillé les ardeurs des Béninois et de certaines associations. Et c’est le tollé général dans tout le pays. Mais, pourquoi avoir attendu l’échéance pour réagir, là où l’on aurait agi ? Les interviews accordées aux journaux m’ont réveillé. Et j’ai voulu pour une fois encore, assumer la souveraineté internationale de la Boologie. Cette science dont l’objet est le triangle du « Fa, Vodùn et Boo ». Et naturellement, le marché Dan-tokpa est un fait social au sens des sciences sociales et humaines. Et une réalité Vodùn au sens des humanités de Fa, Vodùn et Boo du Bénin.

Dan-tokpa un fait social des activités scientifiques sociales et humaines

Les sciences sociales et humaines appartiennent à la rationalité cartésienne sur laquelle le chercheur africain n’a pas de prise. C’est pourquoi en cinquante-trois ans de pratique de l’enseignement supérieur et de recherche, l’Université d’Abomey-Calavi n’a pas accordé l’importance d’une plus-value scientifique au marché Dan-tokpa. Et il faut s’en remettre à l’histoire d’abord, pour montrer l’anonymat de la mémoire.

Dan-tokpa dans sa création, doit remonter au temps de Dada Guézo (1818-1858). En ce temps de la politique d’expansion des États africains, la suprématie d’un État sur un autre, commandait les guerres de libération et de capture des prises de guerre. Les captifs sont devenus des objets de commerce triangulaire. Et le Tolègba de Lègbahito, reste un item de ce souvenir historique. L’art, ou le niveau des symboles donne une idée de la forme du Vodùn Tolègba, Dan, etc.

Marché Dan-tokpa, un pôle d’innovation

La linguistique s’enrichirait bien des langues diverses des échanges commerciaux au marché Dantokpa. La dynamique des rencontres, les contrats commerciaux et les liens sociaux qui connectent les commerçants débordent la sociologie pour culminer aux abords des droits et cadres juridiques. Mais, à part les thématiques de recherche, l’opportunité académique, universitaire, et professionnelle de créativité éducationnelle relatives au Dan-tokpa n’a intéressé aucun scientifique. Tout simplement parce que la créativité et l’innovation sont des logiques absentes des centres d’intérêts d’une institution de formation dont le ministère de tutelle est étalonné aux mesures françaises et étrangères.

Les cadres gèrent plutôt le quotidien au lieu que l’État ne les exhorte à identifier les besoins des populations et du pays. Les formations au Bénin n’ont jamais été ouvertes sur l’emploi. Alors que Dan-tokpa est un multipôle d’emplois nécessitant des ouvertures d’écoles, de collèges, instituts et universités d’études, d’enseignement et de recherches. Jusqu’à ce qu’on vienne envisager la déstructuration de l’unité diversifiée du marché Dan-tokpa, il y a un réveil qui n’a pas été fait.

Dan-tokpa, une réalité Vodùn objet de la Boologie

Il faut aujourd’hui changer de vision. Il faut revoir les Mots qui cachent des maux. Car, la force de l’Occident réside dans cette capacité à mettre les rapports de force dans la fabrication de nouveaux Mots et à les financer.

L’élite africaine, que dis-je, les politiciens africains n’ont pas compris cette créativité.

En fait, en termes de réforme, Dan-tokpa ne doit pas être “délocalisé”, puisque les réformes sont d’ordre administrative. Or, délocaliser requiert un consensus national, et même international. Pour délocaliser, il faut avoir l’avis des mandants. Mais pour réformer, on organise ou recadre une organisation: il y a une nuance. Comment penser réformer une unité historique gouvernée par une synarchie?

Le radical DAN signifie qu’il y a un mot qui est voilé. C’est le mot “marché”, et l’idée de l’échange, du commerce, et de la production de la richesse. Mieux, le Vodùn DAN est international. C’est une expérience propre aux peuples de l’Afrique du Nord, du Sud, de l’Est, sans parler de l’Ouest.

La métaphore in absentia du Vodùn DAN étant le marché, le lieu des mutations où se meuvent les entrepreneurs qui deviennent riches, qui échangent et enrichissent les nouveaux entrepreneurs. Lieu par excellence d’où est exclue l’idée de pauvreté ou d’indigence. Les gnostiques du Vodùn ont bien une vision et une épistémologie qui se cachent derrière le dessin du « serpent » utilisé comme signifiant du sème DAN. C’est d’ailleurs pourquoi les colons, les missionnaires n’ont pas pu exterminer les peuples d’Afrique. Le Vodùn DAN est une épouvante pour les religieux tout comme il est la puissance qui découle des arcanes de nos djôwamon.

Marché Dan-tokpa, une œuvre monumentale

Dan-tokpa naquit du temps de Guézo. Prenons la borne de sa naissance 1818, et il vit encore en 2024 : ce qui permet d’estimer sa durée de vie à 206 ans. Dan-tokpa existe depuis 206 ans ; et il est le fruit de l’imaginaire du Vodùn, une civilisation d’entrepreneuriat. Puisque le Vodùn n’est sollicité qu’en cas de nécessité pour recevoir une aide, un appui d’orientation afin de prendre des décisions favorables à quelque entreprise que ce soit.

Le marché Dantokpa ou Dan-tokpa est une création et implantation béninoise. Il est dynamique et est intégré au cycle du FƐZAN qui est la matrice des jours fastes ou néfastes. Et son cycle magnifie les notions de transformation humaine anthropologique et sociologique : Mèdjo, Mèkou, Vodùn, Boo, Azon, Hin, Vô, Fa, etc. Cette probabilité des transformations est connue des utilisateurs des cycles des marchés au centre desquels figure Dan-tɔkpa.

En décidant de déplacer le marché, nous détruirons une œuvre monumentale. Et demain, on dira encore que l’Afrique est un ” désert de compétences” ! C’est d’une vision africaine qu’il s’agit de penser.

Dan-tɔkpa est une vision phénoménale

Où a-t-on vu un peuple se déposséder de sa vision ? C’est pourtant ce que s’apprête à réaliser les producteurs du film “apocalypse Dan-tɔkpa” ; détruire une œuvre édifiée depuis des lustres, en un temps record.

C’est la manière de démanteler les joyaux de la couronne du Vodùn qui sidère le boologue. Car, dans ce premier millénaire, où les peuples sont condamnés à assister à la mort des civilisations dominatrices, c’est la superstructure du Vodùn qu’on veut exposer à la démolition. Dans moins d’un siècle, on n’aura aucune trace des activités scientifiques du Vodùn. Un peu comme la destruction des archives de Tombouctou au Mali par les Djihadistes.

On va mettre Dantokpa dans un musée des réformes ; cela est une épouvante administrative.

Repensons l’évidence d’une erreur décisionnelle, et donnons la priorité à l’innovation fusionnelle.

Par Coovi Raymond ASSOGBA, Maître de Conférences, Sociologue et Boologue.

Source : www.beninintelligent.com