Les électeurs juifs américains ont eu un penchant pour le Parti démocrate pendant des décennies, mais les républicains espèrent que le récent accord pour des relations normalisées entre les États du Golfe et Israël — que Donald Trump a vigoureusement vanté plus tôt ce mois-ci — puisse mousser sa popularité auprès d’eux.
Avec des États pivots comme la Pennsylvanie, la Floride et le Michigan qui se sont décidés par moins de 200 000 votes en 2016, toute perte d’appui de l’électorat juif pourrait être majeure pour le démocrate Joe Biden.
«Les démocrates aiment dire qu’ils détiennent la majorité du vote juif», a déclaré Matt Brooks, le directeur général de la la Coalition juive républicaine, qui dépense 10 millions $ US pour aider Donald Trump et d’autres candidats républicains dans les États clés.
«Ils l’ont, mais ce n’est pas le but du jeu.»
Le groupe de M. Brooks travaille pour atteindre un objectif de 300 000 contacts électoraux dans les États clés, en concentrant l’essentiel de ses dépenses sur M. Trump tout en aidant également certains espoirs républicains au Congrès. La cérémonie de signature de la semaine dernière de l’accord Israël-Émirats arabes unis, auquel le Bahreïn a adhéré plus tard, «prouve que le président a une vision» pour œuvrer à la paix au Moyen-Orient, estime M. Brooks.
La campagne de Donald Trump a mis en place sa propre initiative, appelée «Jewish Voices for Trump» («Voix juives pour Trump»), centrée sur l’appui du président à Israël. Parmi les coprésidents, on retrouve le propriétaire de casinos et donateur conservateur Sheldon Adelson et un ancien employé de M. Trump, Boris Epshteyn.
«Le président Trump est un défenseur du peuple juif et le plus grand allié que l’État d’Israël ait jamais eu», a affirmé M. Epshteyn, qui conseille également la campagne Trump, dans un communiqué.
Mais la question de savoir si Donald Trump peut gagner du terrain auprès des électeurs juifs sur la base de son programme de politique étrangère reste sans réponse. Selon un sondage réalisé par le Pew Research Center l’année dernière, 42 % des Américains juifs ont déclaré que la politique de M. Trump favorisait trop les Israéliens, tandis que 47 % ont déclaré qu’il trouvait le bon équilibre entre Israéliens et Palestiniens.
Appui aux démocrates
La plupart des électeurs juifs ont appuyé les démocrates lors des élections de mi-mandat de 2018. AP VoteCast a constaté que 72 % des juifs ayant voté à l’échelle nationale soutenaient les candidats démocrates à la Chambre des représentants, contre 26 % pour les républicains. Parmi ces électeurs juifs, VoteCast a démontré que 74 % d’entre eux désapprouvaient Donald Trump, tandis que 26 % l’appuyaient.
La majorité des électeurs juifs qui voient Donald Trump de manière défavorable «ne vont pas sortir (cela) de leur esprit» parce que le président annonce de nouveaux pactes entre les États du Golfe et Israël, a indiqué Jeremy Ben-Ami, président du groupe juif progressiste J Street.
Le comité d’action politique de J Street a collecté plus de 2 millions $ US pour Joe Biden et a organisé une réception virtuelle avec le candidat démocrate en septembre. Il ne s’agit pas de la seule organisation juive qui est optimiste sur les chances de M. Biden: Halie Soifer, directrice générale du Conseil démocrate juif d’Amérique, a prédit en entrevue que le candidat démocrate pourrait compenser la marge de victoire de Donald Trump en 2016 dans le Michigan et la Pennsylvanie «seulement avec le vote juif».
«En ce qui concerne Israël, il y a une tendance parmi les républicains, dont le président lui-même, à traiter les électeurs juifs comme si nous étions des électeurs monolithiques et intéressés par une question», a expliqué Mme Soifer, qui avait dirigé une initiative pour rejoindre les électeurs juifs en Floride pour l’ancien président Barack Obama en 2008.
«Il a tort sur les deux points.»
Critiques envers Trump
Donald Trump s’était attiré les foudres de la communauté l’année dernière pour avoir dit aux journalistes que les Américains juifs qui votent démocrate sont «déloyaux» envers leur foi et Israël. La question a refait surface ce mois-ci lors d’un appel annuel entre le président et les dirigeants juifs avant Roch Hachana.
Selon l’Agence télégraphique juive, Donald Trump a mis fin à l’appel en disant aux dirigeants juifs américains: «Nous vous apprécions vraiment. (…) Nous aimons aussi votre pays.»
Le «Washington Post» rapporte que Donald Trump aurait dit après cet appel — selon d’anciens et d’actuels responsables de la Maison-Blanche — que les juifs «ne sont là que pour eux-mêmes» et qu’ils «restent ensemble» en raison de leur allégeance ethnique.
La Maison Blanche n’a pas répondu à une demande de commentaires concernant les allégations, mais un porte-parole a déclaré au «Washington Post» que «le bilan de Donald Trump en tant que citoyen privé et en tant que président a été de lutter pour l’inclusion et pour l’égalité de traitement de tous».
La campagne Biden a rapidement condamné les propos de M. Trump, le décrivant comme insensible.
«Nous savons que l’utilisation par Donald Trump de tropes antisémites a enhardi tous ceux qui détestent les juifs», a affirmé Aaron Keyak, directeur de l’engagement juif de Joe Biden, dans un communiqué adressé au «Washington Post».
«Nous ne devons pas nous engourdir face à la rhétorique dangereuse de Donald Trump pendant notre temps sacré de réflexion et de sainteté. Cela devrait servir de réveil aux Américains juifs relativement peu nombreux qui insistent encore pour soutenir et promouvoir l’occupant actuel de la Maison Blanche.»
La campagne Biden s’active
Dans une autre entrevue, M. Keyak a vanté les solides efforts de sensibilisation de la campagne Biden auprès des électeurs juifs.
«La campagne Biden et le (Comité national démocrate) ont fait un investissement sans précédent en ressources et en talents pour convaincre les électeurs juifs», a-t-il soutenu.
L’équipe de Biden s’efforce de cibler ses efforts pour être la plus locale possible. Sa campagne a récemment organisé des événements de sensibilisation juive en Pennsylvanie, en Floride et en Ohio avec Douglas Emhoff, le mari de Kamala Harris, qui est juif. Elle a également organisé un événement pour les démocrates à l’étranger en Israël avec l’ancienne sénatrice Barbara Boxer et deux anciens ambassadeurs dans le pays.
«Il ne fait aucun doute que le vote juif peut faire une différence en Floride ainsi que dans des États comme la Pennsylvanie, l’Ohio et le Michigan», a souligné M. Keyak.
Elana Schor et Jack Jenkins, The Associated Press/La Presse Canadienne/msn actualité