Qu’il nous soit permis, à l’entame de la présente réflexion et avant toute autre considération, d’adresser nos félicitations et nos civilités citoyennes au Chef de l’Etat pour sa désignation éclairée à la tête de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine. L’évènement honore le Bénin tout entier.
Pour raison d’ordre pratique et d’efficacité, le gouvernement vient de créer un guichet unique en lieu et place de sept structures étatiques jouant séparément des rôles différenciés censés concourir toutefois au même but à savoir la promotion des petites et moyennes entreprises L’Agence nationale de développement des entreprises qui en est l’institution faîtière absorbe ainsi les fonctions des organes de naguère et exerce ses activités par l’entremise dudit guichet.
Les problèmes que connaissent les anciennes structures restent donc entiers et le guichet a vocation à faciliter leur résolution. La réflexion que nous menons permet de donner notre point de vue sur ce qui pourrait maximaliser son efficacité et son impact effectif sur l’emploi. En effet, toute promotion d’entreprises a pour sous bassement et en filigrane, le récurrent problème de l’emploi, notamment des jeunes. Et c’est ce qui explique peut-être l’ancienne dénomination d’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi. Mais avant toute chose, il convient de considérer ce que nous pourrions attendre de la nouvelle agence.
Les attentes de l’agence et nos observations
Outre la forme et l’effet d’annonce de la dissolution tout d’un bloc de tant de structures à la fois, il convient de se faire une idée de ce qu’apportera la création de l’Agence quant à la promotion effective des petites et moyennes entreprises et aux écueils qu’il conviendra d’éviter pour assurer convenablement la mission qui lui est confiée.
Qu’elle ait vocation à fédérer l’ensemble des structures existantes, l’on peut en convenir aisément ; c’est une affaire de bon sens et d’efficience, encore faudra-t-il que nécessairement tous les organes fédérés se retrouvent physiquement au même endroit, dans le même immeuble. Raison de simple logistique dira-t-on, mais qui dans notre entendement et l’air de rien, parait déterminante dans la réussite de la mission dévolue à l’Agence. Il s’agit d’un guichet certes, mais d’un guichet unique où devraient se retrouver toutes les structures et toutes les fonctions qui affèrent à la promotion d’entreprises.
Nous avons retenu, par ailleurs, que l’Agence aura un mécanisme de financement adapté à chaque type d’entreprise. De cela nous convenons également, mais il y a plus à faire en matière d’adaptation; la formation
La nécessaire formation adaptée
La formation devra également être adaptée aux différents projets. Il conviendra d’en finir avec formations d’allure généraliste et anonyme qui se font au gré de leurs promoteurs et autres Promotion Business Centers pour le compte de l’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi, celles que nous prônons seront ciblées et axées sur des idées de projet bien précises qu’auront soumis aux structures compétentes, les postulants à la création d’entreprise. Elles devront regrouper à dates fixes, tous les jeunes ayant les mêmes idées de projet ou des idées similaires, pour leur dispenser une même formation adéquate et bien définie. Les modules seront établis une fois pour toutes et codifiés. Les formations seront motivantes avec des jeux de rôle et susceptibles de permettre aux jeunes de se fixer sur le projet qu’ils auront choisi et d’en faire une idée précise.
Nous souhaiterons alors qu’outre un mécanisme de financement adapté, l’Agence de développement et de promotion des petites et moyennes entreprises adapte la formation à chaque projet d’entreprise. Au reste, il parait évident que celui qui vient vers le guichet unique devra s’y présenter avec une idée de projet. Mais comment avoir une bonne idée de projet ?
Nécessité d’un répertoire d’idées de projets
L’on demande aux jeunes d’avoir des idées de projet. Mais comment peuvent-ils avoir de bonnes idées de projet quand ils viennent seulement de franchir les bancs de l’école et qu’ils n’ont aucune expérience des affaires ? Nous suggérons conséquemment la mise sur pieds d’un Comité national d’orientation pour l’emploi qui sera affilié à l’Agence sans en faire partie nécessairement. Ce sera une équipe constituée de spécialistes qui sera chargée de recenser tout ce qui peut faire l’objet de projet pour petites et moyennes entreprises dans le pays. En même temps que cet inventaire, ils établiront des données pouvant permettre aux jeunes de faire sans grand mal des étude de pré-factibilité de leurs projets afin de les soumettre au financement avec les meilleurs chances d’être retenus.. Nous ne demandons pas de mettre des études à la disposition des postulants ; ce serait leur mâcher le travail alors qu’ils doivent faire montre de leur capacité intellectuelle à gérer une entreprise. Nous demandons par contre que leur soient fournis des données telles des statistiques, les sources d’approvisionnement, le processus de fabrication, les possibles débouchés. Autant d’éléments pouvant leur permettre de présenter un projet bancable.
Cela signifie en clair, que les jeunes ayant vocation à créer une entreprise pourront disposer, sans qu’il soit nécessairement exhaustif, d’un répertoire portant une bonne gamme d’idées de projets réalisables, les épargnant ainsi de se triturer les méninges, seuls dans leurs coins, pour détecter ou imaginer d’ éventuelles activités économiques rentables. De notre point de vue, l’Agence devra disposer d’un tel répertoire autrement elle éprouvera les plus grandes difficultés à atteindre son but.
Nous avons la pleine conscience du fait que ce n’est pas la façon classique de faire les choses dans un système néo-libérale, mais c’est cela qui sied à notre société sans grande culture d’entreprise qu’elle est, sans avantage de transfert d’entreprise de père en fils, sans grand héritage entrepreneurial, sans l’avantage d’un environnement entrepreneurial. L’Etat devrait pouvoir tenir compte de ces particularités et prendre ses responsabilités s’il veut stimuler tout à la fois la création d’entreprises et, de manière discursive, l’emploi dans un pays où nous savons tous que les jeunes sont timorés devant le secteur privé et préfèrent de loin en être des salariés ou s’orienter vers la Fonction Publique. Il convient de les inciter à changer de mentalités ; et le changement ne viendra pas tout seul. L’Etat devra prendre ses responsabilité, martelons-nous. C’est une affaire de détermination politique pour un gouvernement auquel nous avons, à présent, tendance à oublier d’accoler le qualificatif de Rupture. Nous sommes en train d’acquérir la réputation internationale d’un pays de réforme et ce que nous proposons ressort de l’innovation.
Outre le répertoire des idées de projets et le fait que l’Agence aura un mécanisme de financement adapté à chaque type d’entreprise, nous estimons qu’il lui reviendra d’intervenir dans le domaine de l’assistance à la mutation de l’entreprise commerciale en entreprise industrielle et de conclure avec elle un pacte d’embauche faisant ainsi d’une pierre deux coups. Cela aussi est une proposition de réforme innovante et notre théorie s’expose comme suit
Nécessité de la transformation de nos hommes d’affaires rien que compradores en industriels
La doctrine du laisser-faire et de la non-intervention de l’Etat en système capitaliste a fondé l’idée du nécessaire développement d’une bourgeoisie locale qui, à son tour, favoriserait la création d’emploi. En gérant le pays sur cette base, il aurait fallu prendre des mesures adéquates pour que cette bourgeoisie locale devienne autre chose que comprador. Or, nous n’apprenons rien au lecteur en rappelant qu’en l’état actuel des choses, elle ne fait qu’acheter des produits, généralement à l’extérieur, pour les revendre ou les réexporter en l’état, se refusant à tout risque d’industrialisation. Elle est donc commerçante majoritairement, ne générant ni valeur ajoutée ni emploi de manière significative. Le hic c’est que les gouvernements qui se sont succédé jusqu’alors se sont contentés de regarder faire sans avoir jamais mis au point une stratégie pour infléchir la tendance, enfermés qu’ils étaient dans la doctrine de non intervention du système capitaliste intégral. Comment pouvaient-ils alors accroître le volume des affaires dans ce schéma ? Le dilemme !
La mutation de l’entreprise commerciale : l’assistance de l’Etat et la ‘’stratégie de la compensation’’
Le but visé est d’inciter notre bourgeoisie comprador à devenir une bourgeoisie industrielle, sans qu’elle renonce au négoce ; il en ira de son intérêt. Bon nombre de commerçants à même d’engager des investissements aux fins d’industrialiser leurs affaires craignent de faire le pas du fait qu’ils redoutent que le produit fabriqué sur place leur revienne plus cher que celui importé. La méthode que nous prônons pour faire face à cette situation se décrit ainsi que ci-dessous.
Etayons, d’entrée de jeu, notre idée par un exemple concret pour retenir l’attention du lecteur plus aisément. Soit une entreprise commerciale qui importe des aliments congelés et qui est, d’ores et déjà, assurée de l’écoulement du produit qu’il commercialise. Supposons que le produit importé lui revienne à 1000 francs (CAF) l’unité Cout Assurance Fret rendu dans ses magasins. Supposons par ailleurs, qu’après étude, il ressorte que l’industrialisation dudit produit lui reviendra à 1.400 francs, prix coûtant. Nous proposons que l’Etat prenne le gap des 400 francs à son compte, sur une période à négocier avec l’entrepreneur ; il subventionnera donc le différentiel dans une première période puis son assistance s’amenuisera pour disparaitre définitivement à moyen terme. Ladite subvention sera régulièrement inscrite au budget en tant qu’aide dégressive à l’industrialisation. La stratégie nous parait d’autant plus judicieuse qu’elle offre deux avantages cumulés ; d’un côté la valorisation, en amont, des entreprises locales qui fourniront le produit brut à industrialiser et de l’autre, en aval, le paiement de plus de redevances à l’Etat qui ne perdra donc pas au change. Il ne perdra pas au change surtout que nous suggérons que son assistance soit assortie d’une clause d‘embauche qu’il pourra conclure avec l’entreprise qu’il aura assistée.
La clause d’embauche
La contrepartie de cette opération de soutien de l’Etat à l’industrialisation sera la signature d’une convention en bonne et due forme, avec l’entreprise ainsi assistée, qui portera embauche d’un nombre déterminé de jeunes, chaque année ; ce sera un pacte d’embauche. C’est comme cela, estimons-nous que notre bourgeoisie comprador deviendra, graduellement, une bourgeoisie industrielle, générant de l’emploi tout en ne renonçant pas au négoce qu’elle pratique déjà ; c’est ainsi qu’elle pourra contribuer à résoudre, de quelque manière, au demeurant, sans coup férir, le récurrent problème du non emploi et du chômage. Les études indiquent que nous avons besoin de créer en moyenne 110.000 emplois chaque année et nous avons besoin de stratégies innovantes pour faire face à ce défi.
Outre les propositions matérielles que nous venons de faire, nous estimons que dans toute entreprise impliquant le relationnel, l’élément psychologique a son importance ; et le guichet unique est une structure relationnelle.
L’écueil à éviter: la rupture de confiance
L’histoire quand bien même contemporaine étant pédagogique, il ne sera pas superflu de se rappeler afin de l’éviter, l’atmosphère soupçonneuse, tendue et délétère que nous avons connue à un moment donné entre le Fonds National de l’Entreprise et de l’Emploi des Jeunes(FNPEEJ), la branche financière et clé de voûte de la politique de l’emploi alors sous la tutelle d’un Ministère chargé de la Micro finance, de l’Emploi des Jeunes et des Femmes. Face à la pression des jeunes réclamant des opportunités d’emploi et dépités, la Ministre avait vertement rétorqué que son département n’était pas comptable de la situation de l’emploi pas plus que du recrutement des jeunes, chargé qu’est son ministère, précisa-t-elle, plutôt de mettre sur pied une politique et des stratégies de développement de l’emploi. La réponse nous avait laissé perplexe et pantois ; d’autant plus pantois que, par la suite, la Ministre s’était montrée ulcérée par, avait-elle dit, la situation de faillite dans laquelle plus de 80% des jeunes qui ont bénéficié de l’assistance du FNPEEJ, avaient laissé l’institution. Elle stigmatisa leur comportement irresponsable qui les conduira de toute évidence en prison, avait-elle conclu. Visiblement, les jeunes n’avaient pas la même perception de la fonction du Département chargé de l’emploi que son titulaire : un véritable dialogue de sourds s’était installé entre les deux parties que devront veiller à éviter l’Agence et son guichet unique.
Ambassadeur Candide Ahouansou