A la faveur d’un entretien, Gustave Assah, Coordonnateur de la Task-force citoyenne de la Cedeao pour la gouvernance et la paix a salué la création de la Cour des comptes, après la modification de la constitution béninoise, le 31 octobre dernier, par l’Assemblée nationale. Pour l’ancien patron de Social Watch Bénin, même si cette Cour des comptes est le fruit d’une Assemblée monocolore, elle constitue néanmoins une avancée notable en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Entretien !!!
QQ: La société civile a tout le temps souhaité la création de la Cour des comptes. L’amendement constitutionnelle intervenue au seuil du mois de novembre l’a consacré. Quels commentaires vous en faites, en votre qualité de coordonnateur de la Task-force citoyenne de la Cedeao pour la gouvernance et la paix ?
Gustave Assah: Avant tout propos, je tiens à faire remarquer le caractère opaque de cet amendement de la Constitution du 11 décembre 1990. En l’absence d’une opposition parlementaire à l’Assemblée nationale, le débat populaire et public aurait dû éviter les suspicions et la division de la nation. Ce qui a fait que nous avons raté une occasion pour consolider la cohésion nationale autour de cette initiative de modification de ce qui définit notre vivre ensemble.
Pour revenir à votre question, nous notons qu’il y a des dispositions sur lesquelles tout le monde ou presque s’accorde. Parmi elles, celle que nous saluons à la coordination de la Task-force citoyenne de la Cedeao pour la gouvernance et la paix, sont relatives à cellesconsacrent la Cour des comptesau Bénin.
Donc, selon vous la Cour des comptes est une avancée en matière de gouvernance financière, Gustave Assah ?
Absolument ! C’est une avancée notable en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. La création de la Cour des comptes (articles 134-1à 7 de la loi fondamentale modifiée) permet de sortir le Bénin du rang de la queue de peloton des pays n’ayant pas cette Cour qui est un instrument de reddition des comptes.
En effet, la Cour des comptes est une institution recommandée par l’Union économique et monétaire Ouest africaine (Uemoa) à travers la directive N°02/2000du 29 juin 2000 portant adoption du code de transparence dans la gestion des finances publiques, qui a toujours fait l’objet de plaidoyer et de lobbying dans nos actions. Cette directive édicte notamment qu’« Il n’y a pas de bonne gestion des finances publiques sans un contrôle à postériori efficace dévolue à une juridiction financière indépendante et dotée de pouvoirs et de capacités d’investigation étendues. Les États membres devront créer des Cours des comptes autonomes au plus tard le 31 décembre 2002 ».
Vous notez avec moi que le Bénin a mis plus de dix-neuf (19) ans pour mettre en œuvre cette directive de l’Uemoa. Et, il n’est jamais tard pour bien faire. Car, la Cour des Comptes est la plus haute juridiction en matière deredevabilité, de transparence financière et de la bonne gouvernance. Le juge des comptes a trois missions fondamentales. Il assure l’efficacité de la reddition des comptes par les gestionnaires publics ; contrôle l’utilisation des fonds publics, applique les sanctions le cas échéant ; et, informer les citoyens sur l’utilisation des fonds publics.
En langage plus simple, cela revient à comprendre que lorsque les gestionnaires publics doivent rendre compte de leur gestion. Dans l’ordre administratif, la Cour des comptes est chargée principalement de contrôler la régularité des comptes publics, de l’État, des établissements publics nationaux, des entreprises publiques, de la sécurité sociale, ainsi que des organismes privés bénéficiant d’une aide de l’État ou faisant appel à la générosité du public.
Alors, que peut-on attendre d’une telle Cour ?
La création de la Cour des comptes doit favoriser une gestion transparente des ressources financières. Elle doit viser à professionnaliser le contrôle externe des finances publiques et contribuer ainsi à la lutte contre la mauvaise gestion, le gaspillage, la corruption, le détournement des ressources publiques.,et renforcer le Système national d’intégrité (SNI).
Cette Cour est un instrument qui fixera tous les béninois sur la santé de nos finances publiques, à travers la qualité des Lois de règlement du budget et les notes sur la transparence budgétaire qui vont s’améliorer. Toute chose qui ne pouvait se faire dans le contexte institutionnel de la constitution du 11 décembre 1990. Les anciennes dispositions de l’article 134 de la constitution postule que le juge des comptes béninois est un magistrat (judiciaire) ou un juriste de haut niveau n’est pas denature à fournir à la juridiction financière les compétences pour effectuer effacement l’apurement des comptes et l’audit publics.
Sa création à travers la modification de la constitution du 11 décembre 1990 est un acte qui rassure sur la volonté d’éradiquer la mafia économique, le gangstérisme financier et la fuite des capitaux. Ses dispositions permettent d’espérerà terme une bonne Cour des comptes telle que l’ont envisagé les différents comités techniques consacrés à la question.
En effet, nous pourrions en particulier envisager une institution juridictionnelle constitutionnelle indépendante de l’exécutif, du législatif, et du judiciaire. Ainsi, il est envisageable un corps particulier pour les magistrats de la Cour des comptes. Pourquoi pas l’institution d’un Conseil supérieur de la magistrature financière distinct du Conseil supérieur de la magistrature.
Doit-on déjà envisager un Bénin ou la transparence financière et la reddition des comptes sera de rigueur ?
L’institutionnalisation de la Cour des comptes n’est qu’une étape d’un long processus pour la mise en place d’une juridiction financière efficace voire moderne. L’expérience à montrer que dix (10) ans après la réformeconstitutionnelle, certaines Cours des comptes créées dans l’espace Uemoasont restées non installées et d’autres peine à démarrer.
C’est pourquoi, il vraiment judicieux d’adopter un plan d’action qui incluent les procédures administratives consacrées en vue de l’adoption par le parlement d’une loi organique relative à la Cour des comptes, une loi fixant les règles de procédure applicables devant la Cour des comptes, une loi portant statut des magistrats de la Cour des comptes et une loifixant les règles relatives au Conseil supérieur de la magistrature financière.
Gustave Assah, quelles perspectives préconisez-vous ?
Étant donné que la création de la Cour des comptes est un sujet qui a fait l’objet de lobbying pendant longtemps par les organisations de la société civile, je voudrais qu’en application effectives de la Constitution, le Chef de l’État désigne des juges véritablement indépendants, transféré les actifs de la Chambre des comptes de la Cour suprême à la Cour des comptes et pourvoit la juridiction de personnel technique et compétent de manière à ce que le président soit un magistrat ou juriste financier fin connaisseur du domaine.Aussi, faut-il former de juges spécialisés en matière financière pour plus d’efficacité de la Cour.
Voter diligemment les lois pour le fonctionnement effectif de cette Cour. Aussi la mise en place d’un corps de la magistrature financière à travers le recrutement par concours ouvert à tous les béninois ayant le profil rendrait cette réforme constitutionnelle efficace et efficiente. Toute chose qui rendrait effective la lutte contre la corruption à travers le contrôle permanant et efficacedes finances publiques.
Enfin, il faut vulgariser par tous les moyens les dispositions instituant la Cour des comptes, puis donner les ressources nécessaires et suffisante à l’Institution à l’opérationnalisation.
Que diriez-vous en guise de conclusion, Gustave Assah ?
Pour conclure, je voudrais attirer l’attention sur la complexité et l’étendue des actions à mener en vue de la mise en place effective d’une Cour des comptes au Bénin nécessitant une attention particulière, mais surtout des actionscourageuses à travers un chronogramme diligent.
Il y a lieu, d’abord s’inspirant des travaux déjà réalisés, de décliner de façon proactive tout le processus et de consacrer une équipe légère et compétente à la mise en œuvre des actions.
Il faudra aussi et surtout, comme a été le cas pour le Sénégal qui a mis en place sa Cour des comptes de l’an 2000, prévoir au niveau des autorités au plus haut niveau (Chef de l’État, Garde des sceaux, ministre de la Justice et de la législation, ministre des Finances, etc.) un mécanisme de levée des goulots d’étranglement et de plaidoyer avec la complexité des actions à mener, le risque existe que l’effectivité du démarrage des activités de la Cour s’étende sur plusieurs années. Cependant, le leadership des acteurs politiques au plus haut niveau pourrait favoriser l’installation diligente de la Cour des comptes.
Pour finir, je voudrais que cette loi modificative apporte plus de paix que de division à la nation.