La violence conjugale a fait 165 morts au Québec entre 2008 et 2018

En moyenne chaque année au Québec, ce sont donc 16,5 décès qui sont attribuables à la violence conjugale, conclut l’étude signée par Julie Laforest, conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et par son collègue Dave Poitras. Cette analyse revêt un caractère inédit par la lecture exhaustive du phénomène qu’elle propose, en incluant autant les décès des victimes, de leurs enfants et des auteurs.

On le sait : une dizaine de femmes perdent la vie en moyenne chaque année au Québec dans un contexte de violence conjugale. Un triste bilan qui est encore plus lourd lorsqu’on prend en compte les décès des enfants et des agresseurs. Cette violence qui se déroule derrière des portes closes aura fait 165 victimes au Québec de 2008 à 2018, révèle une étude de l’INSPQ qui dresse un portrait inédit de la situation.

Dans presque tous les cas (98 %), les auteurs étaient des hommes et 96 % des victimes étaient des femmes.

De ces 165 « morts évitables », 82 étaient des victimes de violence conjugale. 27 personnes étaient des victimes collatérales, principalement des enfants des victimes. Et 56 étaient des auteurs de violence conjugale. La majorité de ces agresseurs (86 %) se sont eux-mêmes donné la mort — la plupart du temps à la suite d’un homicide.

Dans presque tous les cas (98 %), les auteurs étaient des hommes et 96 % des victimes étaient des femmes.

En moyenne chaque année au Québec, ce sont donc 16,5 décès qui sont attribuables à la violence conjugale, conclut l’étude signée par Julie Laforest, conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et par son collègue Dave Poitras. Cette analyse revêt un caractère inédit par la lecture exhaustive du phénomène qu’elle propose, en incluant autant les décès des victimes, de leurs enfants et des auteurs.

« On a fait l’analyse systématique de tous les dossiers de personnes décédées dans un contexte de violence conjugale de 2008 à 2018 […] pour voir les caractéristiques, les circonstances et déterminer où sont les points d’ancrage pour mener des actions de prévention », explique Julie Laforest.

Cette vaste étude de 74 pages — réalisée à partir des données du Bureau du coroner — est le fruit d’une commande du ministère de la Santé et des Services sociaux pour répondre à l’engagement 52 du Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale 2018-2023.

« Ça nous permet d’ajouter des éléments de compréhension […] pour ne pas que ces décès se reproduisent », souligne la chercheuse.

Suicides de femmes victimes

Le caractère ambitieux de cette démarche permet aussi de braquer les projecteurs sur un phénomène jusque-là peu documenté : les suicides de femmes victimes de violence conjugale. Durant la période étudiée, 75 victimes ont perdu la vie par homicide, alors que 7 se sont suicidées.

« Et on sait que c’est une sous-estimation », mentionne Julie Laforest. Les suicides devaient être classés comme des cas de « violence intrafamiliale » dans les rapports d’investigation du coroner pour être repérés dans le cadre de la présente étude.

Donc seuls les cas où un lien « très explicite » a été établi ont été répertoriés — tel qu’un suicide survenu dans une maison d’hébergement ou une lettre retrouvée faisant référence à la situation de violence.

Or, dans bien des cas, le lien peut être plus diffus. « Même si ce n’est pas un lien direct, ce sont des éléments qui se retrouvent dans le parcours de vie de femmes qui se suicident », avance la chercheuse.

Facteurs de risque

Le Rapport d’analyse des décès liés à la violence conjugale au Québec entre 2008-2018 a également mis le doigt sur des facteurs de risque de l’homicide conjugal. « […] Les plus fréquents étaient la cohabitation de l’agresseur et de la victime, une séparation récente et des antécédents de violence conjugale envers la partenaire actuelle », peut-on lire.

Dans les deux tiers des cas, au moins un des partenaires avait un enfant. Et dans de nombreux cas, les auteurs ou les victimes avaient été en contact avec les services sociaux, les services de santé ou la police. « Il y a donc des points d’ancrage pour détecter les situations à risque », relève Julie Laforest.

L’INSPQ prévoit poursuivre son travail de documentation du phénomène de violence conjugale en mettant ces données à jour sur une base régulière. « Ce sont des décès évitables qui ne devraient pas survenir. »

Pour consulter la vigie des meurtres conjugaux du Devoir : bit.ly/33YjGeV

Si vous êtes victime de violence conjugale, vous pouvez appeler la ligne d’urgence de SOS violence conjugale au 1 800 363-9010.

Le devoir

​ Le télétravail entraîne une épidémie de maux de dos

Les chiropraticiens du Québec reçoivent un nombre record de patients souffrant de douleurs causées par le télétravail. Après des mois loin du bureau, les gens composent encore trop souvent avec des postes de travail inadéquats qui se voulaient temporaires.Avec le report des périodes de confinement, trop de gens s’habituent à des postes de travail qui se voulaient au départ temporaires, déplore Carol-Anne Gauthier, une chargée de cours à l’Université Laval qui donne des cours sur le télétravail.© iStock Avec le report des périodes de confinement, trop de gens s’habituent à des postes de travail qui se voulaient au départ temporaires, déplore Carol-Anne Gauthier, une chargée de cours à l’Université Laval qui donne des cours sur le télétravail.

« Je peux vous dire que les chiropraticiens ne manquent pas du tout de travail présentement », répète le président de leur ordre, Jean-François Henry. Les problèmes reliés aux mauvais postes de travail se sont multipliés « par cinq », voire « par dix », dit-il.

Les gens se présentent chez le chiropraticien avec des syndromes du tunnel carpien, des tendinites aucoude, au poignet, à l’épaule, des problèmes de cou, des maux de tête causés par des écrans trop bas. Certains développent aussi des problèmes au nerf sciatique, poursuit le Dr Henry. « Il y a vraiment une recrudescence de ce type de problèmes là. »

Fin mai, près de 50 % des Québécois travaillaient de leur domicile, selon l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ). Dans une note mise à jour en juillet, ses chercheurs plaidaient pour qu’on porte « une attention particulière » à leurs conditions de travail, et notamment à l’ergonomie.

Une étude de la Santé publique française publiée en octobre a démontré que, sur 2113 personnes n’ayant pas souffert de lombalgie avant la pandémie, 10,4 % en avaient développé depuis. Chez les gens qui s’étaient initiés au télétravail à cause du confinement, cette proportion s’élevait à 16 %. « Alors que l’épidémie de COVID-19 est de nouveau dans une phase croissante, des mesures pourraient être proposées aux travailleurs pour prévenir un nouvel accroissement du tribut de la lombalgie et de ses conséquences », écrivaient-ils.

Temporaire ou permanent ?

Avec le report des périodes de confinement, trop de gens s’habituent à des postes de travail qui se voulaient au départ temporaires, déplore Carol-Anne Gauthier, une chargée de cours à l’Université Laval qui donne des cours sur le télétravail. « En ce moment, le télétravail n’est pas organisé, structuré, constate-t-elle. Les gens n’ont pas tous une pièce, un endroit spécifique où travailler. Ils n’ont pas nécessairement l’espace ou le budget pour s’équiper d’un bureau vraiment ergonomique et n’ont pas nécessairement les connaissances pour le faire. »

Les employeurs non plus n’ont pas tous les mêmes ressources, fait-elle remarquer. « Dans les centres d’appels par exemple, ils ont intégré depuis longtemps des politiques de télétravail. Les employés ont de l’argent pour s’équiper, ils peuvent faire appel à des ergothérapeutes. Des entreprises comme Desjardins sont aussi très organisées ». Pour les plus petits employeurs, il en va toutefois souvent autrement.

Paradoxalement, lorsque les gens sont bien installés, la recherche a démontré que le télétravail pouvait grandement améliorer la qualité de vie des gens, souligne Mme Gauthier. « Les gens sont plus actifs, il y a une réduction du stress, et certaines études démontrent que ça aiderait à réduire les problèmes musculo-squelettiques. »

Les employeurs devraient penser à la prévention, plaide-t-elle. « Si une personne souffre de troubles musculo-squelettiques, elle va en avoir pour des années à s’en remettre. [Et au bout du compte], ça va entraîner des coûts liés à l’assurance invalidité ». Le gouvernement pourrait également faire des propositions incitatives sous forme de crédits d’impôts ou de subventions aux dépenses en ergonomie, suggère-t-elle également.

En octobre dernier, le Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre et le ministre du Travail, Jean Boulet, avaient recommandé aux employeurs de se doter de politiques pour encadrer le télétravail. Le ministre était toutefois opposé à l’implantation d’une politique générale applicable à tous les milieux.

 Isabelle Porter/LE DEVOIR