L’armée israélienne a bombardé samedi un immeuble d’une dizaine d’étages abritant les locaux de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera et de l’agence de presse américaine Associated Press dans la bande de Gaza, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Une frappe israélienne a dévasté la tour qui abrite les bureaux d’AP dans la ville de Gaza», a écrit sur Twitter Jon Gambrell, un journaliste de l’agence américaine.
Des journalistes de l’AFP ont vu la tour de 13 étages se faire pulvériser par plusieurs missiles.
Jawad Mehdi, propriétaire de la tour Jala, a indiqué qu’un officier israélien du renseignement l’avait prévenu avant la frappe qu’il disposait d’une heure pour faire évacuer le bâtiment. Il a demandé dix minutes supplémentaires pour que les journalistes puissent emporter leur équipement, mais a essuyé un refus.
La chaîne Al-Jazeera a confirmé sur Twitter que ses locaux étaient dans ce bâtiment et a retransmis en direct les images de la tour s’effondrant dans un nuage de poussière.
Al-Jazira dénonce une volonté de la museler»
L’agence de presse américaine AP s’est dite samedi choquée et horrifiée» par la frappe israélienne.
Nous sommes choqués et horrifiés par le fait que l’armée israélienne vise et détruise l’immeuble abritant le bureau d’AP et d’autres médias à Gaza», a dit dans un communiqué le patron de l’agence, Gary Pruitt.
Le chef du bureau d’Al-Jazira en Palestine et en Israël a dénoncé quant à lui un crime» et une tentative de l’armée israélienne de réduire les médias au silence».
La destruction des bureaux d’Al-Jazira et de ceux d’autres médias dans la tour Al-Jalaa à Gaza est une violation flagrante des droits de la personne et est considérée internationalement comme un crime de guerre», a dénoncé Mostafa Souag, le directeur général par intérim du groupe qatari.
Le but de ce crime odieux est de faire taire les médias et de cacher le carnage et la souffrance indicibles de la population de Gaza», a-t-il déclaré.© /Reuters Une explosion près de la tour abritant les bureaux d’AP et d’Al-Jazeera lors de frappes de missiles israéliens dans la ville de Gaza
Le directeur de l’information d’Al-Jazeera, Assef Hamidi, a indiqué à l’AFP que la chaîne prendra toutes les mesures pour poursuivre Israël» en justice, ajoutant que la réponse la plus importante [était] de continuer à couvrir les événements».
De son côté, l’AFP a tenu à exprimer toute sa solidarité avec les médias dont les bureaux ont été détruits à Gaza», a déclaré Fabrice Fries, le PDG de l’agence, appelant au respect du droit à l’information».
Nous sommes profondément choqués par le fait que des bureaux de médias soient visés de cette façon», a par ailleurs réagi son directeur de l’information, Phil Chetwynd.
Des équipements militaires dans la tour, selon Israël
L’armée israélienne a indiqué que des équipements militaires du Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir dans l’enclave, se trouvaient dans la tour frappée par ses avions de combat.
Le bâtiment abritait aussi les bureaux de médias civils derrière lesquels le groupe terroriste Hamas se cache et qu’il utilise comme boucliers humains», a ajouté l’armée, affirmant avoir prévenu les civils à l’intérieur de l’immeuble avant l’attaque et leur avoir laissé assez de temps pour l’évacuer».
Il est clair qu’il a été décidé non plus seulement de causer des destructions et des morts, mais aussi de faire taire ceux qui le montrent», a réagi auprès de l’AFP Walid al-Omari, chef du bureau d’Al-Jazeera en Israël et dans les Territoires palestiniens.© Amir Cohen/Reuters Des soldats de l’armée israélienne vérifient l’artillerie, près de la frontière avec la bande de Gaza, le 13 mai 2021.
Nous continuerons notre couverture de l’information malgré la destruction […] Nous reviendrons à l’antenne avec un nouvel équipement», a assuré Safwat al-Kahlout, correspondant de la chaîne qatarie à Gaza.
Peu de temps avant la frappe, un correspondant d’AP à Gaza, Fares Akram, avait écrit sur Twitter : Des bombes pourraient tomber sur notre bureau. Nous avons couru dans les escaliers depuis le 11e étage.»
Nétanyahou a parlé avec Biden
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’est entretenu par téléphone avec le président américain Joe Biden de cette frappe israélienne, selon un communiqué de ses services.
Benyamin Nétanyahou a souligné lors de cette conversation qu’Israël faisait tout pour éviter de s’en prendre à des personnes non impliquées» dans le conflit, rapporte ce communiqué, insistant sur le fait que l’évacuation des personnes de l’immeuble, où se trouvaient des cibles terroristes», avait été organisé en amont du raid.© ABIR SULTAN/Getty Images Le premier ministre Benyamin Nétanyahou.
Nous avons dit directement aux Israéliens que garantir la sécurité des journalistes et des médias indépendants était une responsabilité d’une importance capitale», avait tweeté plus tôt Jen Psaki, la porte-parole de l’exécutif américain.
Joe Biden s’est aussi entretenu avec le président palestinien, Mahmoud Abbas, pour la première fois depuis son arrivée à la Maison-Blanche.
Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Rudeinah, a indiqué à l’AFP que cet entretien avait été important» sans toutefois épiloguer pour le moment sur le contenu précis de ces échanges.
Frappe sur un camp de réfugiés
Samedi matin, deux femmes et huit enfants d’une même famille sont morts dans un autre bombardement israélien sur une maison dans un camp de réfugiés de la ville de Gaza.
Le mouvement islamiste Hamas au pouvoir à Gaza et l’État hébreu échangent depuis lundi des tirs meurtriers depuis et vers l’enclave palestinienne de deux millions d’habitants sous blocus israélien.
Le dernier bilan des autorités palestiniennes faisait état de 145 morts, parmi lesquels 41 enfants, et de 1100 blessés dans les bombardements israéliens dans l’enclave depuis lundi.© Fatima Shbair/Getty Images Les attaques israéliennes ont laissé des champs de ruines dans la bande de Gaza
Plus de 2300 roquettes ont été lancées par des groupes armés palestiniens sur le territoire israélien depuis lundi, tuant 10 personnes, parmi lesquelles un enfant et un soldat, et faisant plus de 560 blessés.
Selon l’armée, le bouclier antimissile Dôme de fer» a intercepté plus de la moitié de ces roquettes.
L’Égypte ouvre ses frontières
L’Égypte a ouvert samedi sa frontière terrestre avec Gaza et envoyé dix ambulances dans l’enclave palestinienne pour évacuer et traiter dans ses hôpitaux des Palestiniens blessés dans des bombardements israéliens, ont indiqué des responsables médicaux.
Un responsable de la sécurité à la frontière a toutefois précisé que cette décision était exceptionnelle», car le passage reste d’ordinaire fermé durant les jours fériés, y compris lors de l’Aïd el-Fitr, fête musulmane qui a débuté mercredi.
Le terminal de Rafah est la seule ouverture de la bande de Gaza sur le monde qui ne soit pas contrôlée par Israël. L’État hébreu impose un blocus sur l’enclave palestinienne depuis près de quinze ans.
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a par ailleurs réitéré son appel pour un cessez-le-feu immédiat» après un appel téléphonique avec son homologue saoudien.
Les deux ministres ont échangé sur la façon de régler rapidement la situation pour restaurer le calme. M. Choukri a évoqué les derniers efforts menés par l’Égypte avec les parties concernées pour mettre fin au bain de sang», a indiqué samedi la diplomatie égyptienne dans un communiqué.
Représentant la plus grande minorité chrétienne du Moyen-Orient, l’Église copte orthodoxe a également dénoncé samedi, par la voix du pape copte Tawadros II, les attaques brutales à Jérusalem et dans la bande de Gaza qui ont coûté la vie à des femmes et des enfants».
La veille, Ahmed al-Tayeb, le grand imam d’Al-Azhar, institution respectée de l’islam sunnite, avait lui appelé à soutenir le peuple palestinien pacifique et opprimé dans sa cause légitime et juste pour recouvrer ses droits, sa terre et ses lieux saints».