A l’ONU, Palestiniens et Israéliens s’accusent mutuellement de « génocide »

Israéliens et Palestiniens ont échangé jeudi à l’ONU des accusations de « génocide », lors d’un débat d’urgence à l’Assemblée générale sur le conflit au Proche-Orient, dont la poursuite a été jugée « inacceptable » par Antonio Guterres.

Le drapeau de l'ONU flottant à son quartier-général à New York le 23 septembre 2019
© Ludovic MARIN Le drapeau de l’ONU flottant à son quartier-général à New York le 23 septembre 2019

« Les bombardements aériens et d’artillerie continus par les Forces de défense israéliennes à Gaza » et « la poursuite des tirs aveugles de roquettes par le Hamas et d’autres groupes militants vers des centres de population en Israël » sont « inacceptables », a asséné le secrétaire général de l’ONU à l’ouverture de cette réunion à laquelle plusieurs ministres, bravant les restrictions liées à la pandémie de Covid-19, avaient décidé de participer.

Le président de l'Assemblée générale de l'ONU, le Turc Volkan Bozkir, lors d'une session des 193 pays membres le 29 septembre 2020 à New York.
© Fournis par AFP Le président de l’Assemblée générale de l’ONU, le Turc Volkan Bozkir, lors d’une session des 193 pays membres le 29 septembre 2020 à New York.

« Cessons ce massacre! » qui a fait plus de 200 morts du côté palestinien, a réclamé le chef de la diplomatie palestinienne, Riyad Al-Maliki, en demandant à la communauté internationale de « mettre fin à l’occupation israélienne ».

« Comment une puissance occupante peut-elle avoir le droit de se défendre, alors que notre propre peuple sous occupation est privé du même droit? », s’est-il insurgé. « Comment certains peuvent-ils se précipiter pour faire des déclarations condamnant le meurtre d’un Palestinien à un moment où le monde entier reste silencieux et ferme les yeux sur le génocide de familles palestiniennes entières? », a-t-il ajouté.

Alors que Riyad Al-Maliki venait de débuter son discours, l’ambassadeur israélien auprès des Etats-Unis et de l’ONU, Gilad Erdan, a ostensiblement quitté l’amphithéâtre de l’Assemblée générale pour protester contre les propos palestiniens.

« Dans le débat d’aujourd’hui, nous ne voyons pas une défense des principes de l’ONU, mais plutôt une indifférence à la charte du Hamas, qui, comme les nazis, est engagé dans le génocide du peuple juif », a affirmé le diplomate israélien.

« Ce débat se caractérise par la tromperie et le mensonge », car « le Hamas prend pour cible des civils tandis qu’Israël prend pour cible des terroristes », a-t-il insisté. « Le Hamas est une organisation jihadiste terroriste qui a tiré plus de 4.000 roquettes contre des villes israéliennes ces 11 derniers jours », a ajouté Gilad Erdan.

– « Etat d’urgence humanitaire » –

Au fil des interventions des pays arabes, Israël a subi un feu roulant de condamnations, entrecoupé par le discours de l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, qui a rejeté les critiques à l’égard des Etats-Unis jugés trop frileux dans leur gestion du conflit. 

« Dans les heures et les jours à venir, nous continuerons de pousser sans relâche pour la paix » et « nous ne sommes pas restés silencieux », a assuré la diplomate américaine. « Nous espérons que les habitants de la région nous ont entendus haut et fort », a-t-elle précisé.

Depuis le début du conflit le 10 mai, Washington a rechigné à l’organisation de réunions d’urgence du Conseil de sécurité et bloqué trois déclarations de cette instance chargée de la paix dans le monde, demandant un arrêt des affrontements.

Jeudi, les Etats-Unis continuaient à refuser un projet de résolution proposé par la France pour exiger une « cessation immédiate des hostilités », ont indiqué à l’AFP des diplomates. Paris s’est abstenu de donner une indication sur une date de vote.

A l’unisson, les chefs de la diplomatie du Qatar, de la Jordanie, de la Tunisie, de l’Algérie, de la Turquie, du Pakistan et du Koweit, ont tous réclamé devant l’Assemblée générale une condamnation « de l’agression » commise selon eux par Israël. 

« Ces massacres n’ont que trop duré », a jugé le Jordanien Ayman Safadi tandis que le Tunisien Othman Jerandi dénonçait un « génocide, une épuration ethnique ».

Les Israéliens veulent « judaïser » Jérusalem, a renchéri le Koweïti Ahmad Nasser Al-Mohammed Al-Sabah, en rappelant que le Conseil de sécurité avait adopté 86 résolutions sur le Proche-Orient depuis 1967, tandis que le Turc Mevlüt Cavusoglu réclamait que l’ONU impose à Israël qu’il « cesse sa campagne de purification ethnique ».

En allusion au projet de résolution français menacé d’un veto américain, le chef de la diplomatie pakistanaise Shah Mahmood Qureshi a estimé que si le Conseil de sécurité ne prenait pas position dans le conflit, « l’Assemblée générale de l’ONU devait le faire ».

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a exhorté de son côté « le secrétaire général de l’ONU à décréter un état d’urgence humanitaire pour soulager les Palestiniens et reconstruire Gaza ».

AFP

Biden s’est entretenu avec Abbas et Netanyahou en plein conflit au Proche-Orient

Le président américain Joe Biden s’est entretenu samedi au téléphone avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou alors que les affrontements se poursuivent entre le Hamas et Israël dans la bande de Gaza.

Le président américain Joe Biden s’est entretenu samedi au téléphone avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou alors que les affrontements se poursuivent entre le Hamas et Israël dans la bande de Gaza.

Joe Biden a envoyé vendredi sur place un émissaire pour tenter de mettre fin aux violences mais les efforts des Etats-Unis et du reste de la communauté internationale sont pour l’heure restés vains.

Lors de son entretien avec Mahmoud Abbas, le président américain a « souligné la nécessité pour le Hamas de cesser de tirer des roquettes sur Israël », et les deux hommes ont « exprimé leur préoccupation commune face aux civils innocents, y compris des enfants, qui ont tragiquement perdu la vie », selon un compte-rendu de l’appel publié par la Maison Blanche.

Joe Biden a également fait part de « l’engagement des États-Unis à renforcer le partenariat américano-palestinien » et a souligné la récente décision de son administration de rétablir l’aide à la Cisjordanie et à Gaza occupées par Israël, qui avait été supprimée sous le mandat de l’ancien président Donald Trump.

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Selon un résumé de l’appel publié par l’agence de presse officielle palestinienne WAFA, Joe Biden a déclaré qu’il s’opposait à l’expulsion des Palestiniens de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, un dossier à l’origine des tensions actuelles. Cependant, le compte-rendu de la conversation diffusé par la Maison Blanche ne mentionne pas cette affaire.

L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas dispose d’une autonomie limitée en Cisjordanie occupée, qui fait partie du territoire dont Israël s’est emparé, avec Gaza et Jérusalem-Est, lors de la Guerre des Six jours de 1967.

Elle exercice toutefois peu d’influence dans la bande de Gaza, gérée par le Hamas depuis 2007.

Les Etats-Unis considèrent le Hamas comme une organisation terroriste et ne discutent pas avec lui.

Joe Biden s’est également entretenu samedi avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou qui lui a assuré qu’il « faisait tout pour éviter de blesser » des personnes non impliquées dans les combats avec le Hamas et d’autres groupes à Gaza.

Selon un résumé de l’appel téléphonique transmis pas le cabinet de Netanyahou, le Premier ministre israélien a déclaré à Biden que « les personnes non impliquées avaient été évacuées » d’une tour de Gaza qui abritait des bureaux de plusieurs médias ainsi que d’autres bureaux et appartements et qui a été détruite plus tôt dans la journée par une frappe aérienne israélienne.

« Le Premier ministre Netanyahou a remercié le président pour le soutien des États-Unis à notre droit de nous défendre », indique le compte-rendu.

REUTERS

Mobilisation pro-palestinienne en Europe et en Tunisie

En France, environ 22.000 personnes ont manifesté dans 60 rassemblements, dont environ 3.000 à Paris où les manifestations avaient été interdites par les autorités mettant en avant le précédent de 2014, lorsqu’une marche pro-palestinienne avait dégénéré en violences urbaines.

Des milliers de manifestants sont descendus samedi dans les rues de plusieurs villes d’Europe, et en Tunisie, en soutien aux Palestiniens dans les affrontements en cours avec Israël. IMAGESLes forces de l'ordre tirent des gaz lacrymogènes et chargent pour dispersent des manifestants réunis à Paris pour soutenir les Palestiniens. La manifestation a été interdite par les autorités dans la capitale. (COMPLETE VIDI9A237H_FR)© Fournis par AFP IMAGESLes forces de l’ordre tirent des gaz lacrymogènes et chargent pour dispersent des manifestants réunis à Paris pour soutenir les Palestiniens. La manifestation a été interdite par les autorités dans la capitale. (COMPLETE VIDI9A237H_FR)

En France, environ 22.000 personnes ont manifesté dans 60 rassemblements, dont environ 3.000 à Paris où les manifestations avaient été interdites par les autorités mettant en avant le précédent de 2014, lorsqu’une marche pro-palestinienne avait dégénéré en violences urbaines.

Les policiers ont appliqué dans la capitale française les consignes de « dispersion systématique et immédiate » dès que des manifestants tentaient de se regrouper, en utilisant des canons à eau et gaz lacrymogènes.

Selon les journalistes, des face-à-face entre manifestants et forces de l’ordre avaient lieu dans l’après-midi dans le quartier populaire de Barbès, dans le nord de la capitale.Des manifestants pro-palestiniens rassemblés dans le centre de Londres, le 15 mai 2021.© Tolga Akmen Des manifestants pro-palestiniens rassemblés dans le centre de Londres, le 15 mai 2021.

« Palestine vivra. Palestine vaincra », pouvait-on entendre. Boulevard Barbès, un groupe d’une centaine de personnes chantait « Israël assassin ». Des drapeaux palestiniens étaient brandis ou utilisés en cape.

« La France est le seul pays démocratique à interdire ces manifestations », ont protesté les avocats de l’Association des Palestiniens en Ile-de-France.

A Londres, des milliers de personnes ont manifesté dans le centre de la ville, appelant le gouvernement britannique à intervenir pour faire cesser l’opération militaire israélienne. 

Les manifestants se sont rassemblés à la mi-journée à Marble Arch, d’où ils se sont dirigés vers l’ambassade d’Israël, brandissant des drapeaux palestiniens et des pancartes demandant de « libérer » les territoires palestiniens.

« Le gouvernement britannique est complice de ces actes aussi longtemps qu’il offrira un soutien militaire, diplomatique et financier à Israël », ont estimé les organisateurs.Manifestation pro-palestinienne à Tunis, le 15 mai 2021© FETHI BELAID Manifestation pro-palestinienne à Tunis, le 15 mai 2021

Selon eux, parmi lesquels la coalition Stop the War et l’association musulmane du Royaume-Uni, la manifestation a rassemblé 150.000 personnes. Interrogée par l’AFP, la police n’a pas communiqué de chiffre. 

A Rome, quelques centaines de personnes se sont rassemblées près de la basilique Santa Maria Maggiore, portant de grands drapeaux palestiniens et chantant des slogans. 

« Pas besoin d’être musulman pour soutenir la Palestine, il suffit d’être humain », proclamait une pancarte. 

En Allemagne, des milliers de personnes ont manifesté à Berlin et dans plusieurs villes à l’appel de collectifs pro-palestiniens.

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Dans la capitale, trois manifestations ont été autorisées pour la seule journée de samedi, dont deux dans le quartier populaire de Neukölln, dans le sud de la ville.

Derrière le mot d’ordre « Marche du peuple palestinien pour la libération et le retour », des milliers de personnes se sont rassemblées sur l’Hermannplatz, la place centrale du quartier, brandissant des drapeaux turcs et palestiniens, ainsi que des pancartes appelant au « boycott d’Israël ».

Les manifestants criaient « Libérez Gaza!, « Palestinian live matter » ou « Sauvez Cheikh Jarrah », quartier de Jérusalem-Est où des familles palestiniennes sont menacées d’éviction par des colons israéliens.

A Madrid, environ 2.500 personnes ont défilé dans le calme. « Le silence des uns est la souffrance des autres », « Jérusalem capitale éternelle de Palestine », pouvait-on lire sur les banderoles et pancartes brandies par les manifestants. Des manifestants pro-palestiniens défilent dans les rues de Berlin le 15 mai 2021.© STEFANIE LOOS Des manifestants pro-palestiniens défilent dans les rues de Berlin le 15 mai 2021.

« Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide! », ont-ils scandé en remontant de la gare d’Atocha à la place del Sol.

« Ils sont en train de nous massacrer. Nous sommes dans une situation dans laquelle la Naqba (la « catastrophe » en arabe) se poursuit en plein XXIe siècle », a déclaré à l’AFP Amira Cheikh-Ali, 37 ans, fille de réfugiés palestiniens, faisant référence au terme utilisé pour désigner l’exode des Palestiniens après la création de l’Etat d’Israël en mai 1948.

A Varsovie, environ trois cent personnes, principalement des Palestiniens établis en Pologne, ont manifesté devant l’ambassade d’Israël. Drapeaux palestiniens à la main, ils ont brandi des pancartes « Stop à l’holocauste des Palestiniens »ou « Jérusalem, la capitale de la Palestine », et crié des slogans en faveur de la « Palestine libre ». 

En Tunisie, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes. Des centaines de manifestants drapés dans des drapeaux palestiniens se sont rassemblés dans le centre de Tunis, avant de défiler sur l’avenue Habib Bourguiba, surveillés par la police. 

Parmi les slogans des manifestants, qui ont bravé le confinement en vigueur jusqu’à dimanche, on pouvait entendre: « Tunisiens et Tunisiennes soutiennent la Palestine ! » ou « Le peuple veut criminaliser la normalisation avec Israël ! ».

« Quand il s’agit des massacres contre les Palestiniens, les puissances internationales restent muettes et sans réaction face aux crimes sionistes », a dénoncé Dalila Borji, une étudiante de 23 ans.

Pour sa maman Nahla, « cette injustice alimente de plus en plus la haine des gens envers Israël et les pays qui le soutiennent ». 

AFP