A la veille du 4è congrès ordinaire du Parti du renouveau démocratique (PRD), la presse locale avait annoncé le départ de Me Adrien Houngbédji à la tête du parti. Mais, ce ne fut pas le cas. A l’ouverture des assises, Me Adrien Houngbédji a très tôt tué le suspens, indiquant que son retrait du parti ‘‘Arc-en-ciel’’, dont il assume la présidence depuis 1990, n’était pas à l’ordre du jour. Les raisons de cette longévité ne sont pas à chercher loin.
Manassé AGBOSSAGA
Si au Togo, c’est la famille Eyadéma qui gouverne le pays depuis l’avènement de la démocratie, au Bénin, et à un étage inférieur, c’est la personne de Me Adrien Houngbédji qui dirige le Parti du renouveau démocratique (PRD), depuis sa création en août 1990. Et plus de deux décennies après, l’actuel président de l’Assemblée nationale continue de caresser sa longévité à la tête du parti. Malgré les annonces de départ à la veille du congrès par certains médias, Me Adrien Houngbédji n’a pas passé le témoin. D’ailleurs dans son discours d’ouverture, le ‘‘septuagénaire’’ a vite mis un terme à la polémique.
« A 75 ans révolus, bientôt 76,…
Je rends grâce au Seigneur de m’avoir donné les ressources morales et l’énergie physique nécessaires…je me porte bien et je compte vivre longtemps. Je prie le Seigneur qu’il m’accorde la grâce…
Le moment viendra à coup sûr, où il faudra passer la main », a indiqué Me Adrien Houngbédji pour faire savoir qu’il poursuivra l’aventure à la tête du PRD.
Pourtant habitué à démissionner
L’homme qui bat le record de longévité à la tête d’un parti politique béninois a pourtant la culture de la démission. Nommé premier ministre par le président Mathieu Kérékou en 1996, il démissionne deux ans plus tard de son poste, En 2003, Me Adrien Houngbédji reprend avec ses habitudes et démissionne de son poste de maire de la ville capitale, Porto-Novo. Ses deux faits montrent bien qu’Adrien Houngbédji est un homme qui n’est pas du genre à s’accrocher à quelque chose. Il faut donc aller chercher les raisons de sa longévité à la tête du PRD ailleurs.
A qui passer la main ?
C’est une évidence. Le PRD se cherche un autre leader. Hormis Me Adrien Houngbédji, aucun nom ne fait l’unanimité dans le rang des « Tchoko-Tchoko ». La présidentielle de 2016 où le parti n’a présenté aucun candidat du fait de la limite d’âge qui frappait son mentor en dit long. De Charlemagne Honfo, à Augustin Ahouanvoèbla, en passant par Raphael Akotègnon personne n’a réussi à s’imposer pour devenir le digne successeur.
« Je n’ai pas d’héritier, je n’ai pas de dauphin », confiait à cet effet Me Adrien houngbédji lors du 4è congrès ordinaire.
Si, cette déclaration a le mérite de ne pas faire des jaloux, elle traduit toutefois qu’en 25 ans, Me Adrien Houngbédji a, volontairement ou involontairement, tout mis en œuvre pour empêcher certains de rivaliser avec lui. Les départs du Feu Karimou Fassassi, Moukaram Océni, ou encore de Joël Aïvo du PRD illustrent peut-être cela.
L’amère expérience de ‘‘Dadjè’’
Me Adrien Houngbédji est aussi conscient du contexte politique. Ce serait pour lui un pari risqué de passer le témoin alors qu’il n’a pas terminé son mandat à l’Assemblée. Pour plus d’influence à l’Assemblée nationale, et pour avoir une valeur aux yeux du président Patrice Talon, avec qui il dit être désormais en parfait accord après les incidents de la présidentielle de 2016, Me Adrien Houngbédji sait qu’il a besoin de son titre de président du PRD. Surtout qu’il n’a aucune garantie que celui à qui il confierait les reines du parti agirait en fonction de ses intérêts.
Et là-dessus, le cas de son cher ami, Bruno Amoussou, vient lui rappeler tout de suite que c’est un risque à ne pas prendre. En effet, l’actuel clash entre Bruno Amoussou et Emanuel Golou est un avertissement pour Houngbédji. En effet, 5 ans après avoir passé le témoin à Emmanuel Golou (2012), ‘‘Dadjè’’ est aujourd’hui en désaccord avec son ancien poulain.
La revanche sur Ajavon
Les échéances électorales à venir retardent aussi le départ de Houngbédji. Battu dans ses fiefs habituels lors de la présidentielle de 2016 par le candidat Sébastien Ajavon, Adrien Houngbédji tient à prouver que c’était une exception. Et pour lui, les législatives de 2019 constituent une occasion pour confirmer que le PRD reste maître de Porto-Novo, Sèmè-Podji, et autres communes des départements de l’Ouémé. Comme un dernier challenge à relever, Me Adrien Houngbédji attend donc 2019 pour passer le témoin.
Pendant ce temps, Me Adrien Houngbédji tente de tuer le temps et sort une formule diplomatique.
« Ce moment ne saurait me surprendre. C’est pourquoi en père de famille, j’ai mis en place dans notre statut, une structure stable, et une procédure transparente pour que le cas échéant, 25 années de dure sacrifice, consenti par chacune et chacun d’entre vous, ne partent en fumée sous les agitations de quelques uns.
C’est à cette structure, c’est à cette procédure, que chacun devra recourir, pour un intérim apaisé, pour une transition en douceur.
Je suis convaincu comme Spinoza qu’ ‘’une structure impersonnelle, replicable et prédictible est la meilleure parade à la faiblesse, et aux dérives’’ ».
Pourtant, Me Adrien Houngbédji sait que tous les béninois ne sont pas des ‘‘briques de quinze’’.