Quand l'anodin devient une information

Décision DCC22-065/Législatives: « Les dates du 08 janvier 2023 et du 12 février 2023 mettent à mal la constitution et le code électoral » (Opinion)

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La vitalité d’une démocratie se mesure par rapport au bon fonctionnement des différentes institutions de la République qui jouent pleinement leurs rôles dans le respect strict des différents textes fondamentaux. Pour la consolidation et la pérennité d’un système démocratique, trois textes fondamentaux sont déterminants : la constitution, la charte des partis politiques et le code électoral. Afin de mieux organiser les élections législatives de 2023 pour l’installation de la 9ème législature de l’ère démocratique au Bénin, et face aux ambiguïtés de certaines dispositions de la loi électorale, le Président de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), a saisi la cour constitutionnelle aux fins d’avis sur la date légale et légitime des élections législatives de 2023. La cour constitutionnelle par sa décision DCC22-065 du 24 février 2022, a fixé la date des élections législatives au 8 janvier 2023 et la prise de fonction des députés qui seront élus au 12 février 2023.

Cette décision de la cour constitutionnelle nourrit des polémiques et critiques. Même si ses décisions sont sans recours, certaines peuvent être remises en cause par la cour elle-même qui peut les rapporter si après analyse, elle constate qu’elle s’est trompée dans son jugement ou appréciation. Les dates du 08 janvier 2023 et du 12 février 2023 d’une part, mettent à mal la constitution et le code électoral révisés respectivement les 07 et 15 novembre 2019 et d’autre part, réduisent de fait le mandat des députés de la 8ème législature.

Pour mieux comprendre, il est important de rappeler que les députés de la 8ème législature ont été élus lors du scrutin du 28 avril 2019 et installés le 14 mai 2019 pour un mandat de quatre (04) ans ; ce qui veut dire que leur mandat constitutionnel prendra fin officiellement le 14 mai 2023 à minuit. En conséquence, les élections législatives de 2023 doivent avoir lieu à une date tenant compte de ce 14 mai 2023 où légalement les députés de la 9ème législature entreront  en fonction. Ils arriveraient au terme de leur mandat au mois de février de 2026, année électorale déclarée constitutionnellement en République du Bénin, pour l’alignement des différents mandats, l’élection couplée des législatives et des communales et l’élection du duo présidentiel dans la même année 2026. Selon la constitution révisée du 07 novembre 2019, le mandat des députés à partir de 2026 passe de 4 à 5 ans renouvelables deux fois (Article 80), et dans ses dispositions transitoires et finales, l’article 157-2, dit clairement que dans le cadre des élections générales de 2026, le mandat des députés qui seront élus en 2023 a pour terme, la date d’entrée en fonction des députés élus en 2026 à 00H, mais n’en précise ni la date du scrutin des législatives de 2023, ni le terme des députés de la 8ème législature. Quant aux dispositions du code électoral, il est important de se référer à certaines de ses dispositions pour apprécier la justesse ou non de la décision de la cour constitutionnelle. Le code électoral a pris soin de définir certains termes spécifiques pour éviter des interprétations variant selon  les enjeux du moment ou des explications « juridico-politiciennes ».

Ainsi nous allons nous consacrer essentiellement entre autres à deux définitions clés de l’article 1er des définitions du code électoral, à savoir, l’ “année électorale” et les “ élections générales” en République du Bénin. L’année électorale est « l’année au cours de laquelle ont lieu les élections législatives et communales simultanément, puis l’élection du président de la république ». Les élections générales, quant à elles sont définies comme suit « élections législatives et communales organisées simultanément, puis l’élection du président de la République au cours d’une même année ». Ainsi, dans les règles communes aux élections générales en République du Bénin, le code électoral fixe les élections couplées, législatives et communales au 2ème dimanche du mois de janvier de l’année électorale et le terme du mandat des députés qui seront élus en 2023 à la date d’entrée en fonction des députés élus en 2026 dans le cadre des élections générales.

Au vu de ces quelques points d’éclaircissement, on peut d’une part féliciter les membres de la CENA pour leur sens aigu de responsabilité citoyenne et de leur souci d’organiser les élections législatives de 2023 dans la paix. Dans le même temps on est en droit de se  demander  quelles sont les dispositions de la constitution et du code électoral qui permettent de réduire ou d’allonger un mandat constitutionnel en cours ? Le mandat des députés de la 8ème législature est bien de 4 ans, et continue de courir jusqu’au 14 mai 2023 à minuit,  et ce malgré la volonté politique et du peuple d’organiser des élections générales, dans l’objectif d’aligner les mandats et d’avoir une seule année électorale en République du Bénin.

Le fait de décider d’organiser les élections législatives, le 2ème dimanche du mois de janvier 2023 et de fixer la rentrée parlementaire de la 9ème législature au 2ème dimanche de février 2023, est une mauvaise compréhension, lecture ou interprétation des dispositions du code électoral. La cour constitutionnelle doit s’approprier la compréhension et les inquiétudes de la CENA, en permettant à la 8ème législature d’aller au terme de son mandat en mai 2023 et de situer l’opinion nationale, en rapportant simplement sa décision d’organiser les législatives en janvier 2023. Cette situation de clair-sombre dans certaines dispositions de nos textes de loi, interpelle les députés qui initient et votent les lois à prendre leurs responsabilités pour doter notre pays des lois claires, limpides et sans ambigüité aucune et à ne plus les voter dans la précipitation.

Face à tout ce qui précède, nous invitons avec grand respect les prestigieux et éminents membres de la cour constitutionnelle, à  revoir avec la sagesse qui les caractérise, la décision DCC22-065 du 24 février 2022 afin que les législatives de 2023 se déroulent conformément aux dispositions de fin de mandat des députés de la 8ème législature dont le terme est le 14 mai 2023, date à partir de laquelle le décompte pour l’organisation des élections législatives de 2023 va commencer.

Nous devons absolument éviter de créer des crises ou des tensions évitables. Mon appel va particulièrement à tous nos hommes et femmes politiques, toutes tendances confondues,, surtout à nos gouvernants et à toutes les institutions de la République, afin qu’ils évitent de créer des situations qui peuvent engendrer des frustrations et des menaces à la paix et à la quiétude des populations. Sur ces questions sensibles, les populations Béninoises attendent que leurs frères et sœurs intellectuels, juristes, les hautes personnalités montent au créneau pour leur apporter objectivement la lumière et les éclairer sur ces enjeux de haute portée nationale. Depuis cette décision de réduction des mandats des députés de la 8ème législature, de la fixation du scrutin des législatives 2023 au 2ème dimanche de janvier 2023, c’est presque un silence plat comme ce fut dans les cas des fautes majeures et mineures lors des législatives de 2019 et la rallonge de 48 jours supplémentaires ajoutés au mandat du président élu en 2016.  Nous devons éviter des erreurs surtout en matière d’application des lois, et si nous en faisons, nous devons avoir l’humilité intellectuelle ou patriotique de les corriger, ceci pour le bonheur de notre pays.

Quand bien même les décisions de la cour constitutionnelle sont sans recours, elles peuvent être rapportées en cas de besoin. Enfin, j’invite les hautes personnalités, les hauts juristes, les intellectuels émérites, les anciens présidents de la cour constitutionnelle, les femmes et hommes politiques et la société ‘’civile’’, à faire marcher le génie béninois pour que la cour constitutionnelle rapporte sa décision relative à la date du scrutin des législatives de 2023. Notre pays en sortira grandi. /.

Présenté par GBEOUEZOUN Dorothé KOYOTE/Matin Libre

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