On ne balaie pas la nuit
Simple superstition ou véritable interdit ?
Autrefois dans nos sociétés africaines, la tradition était très respectée.
Nul n’osait défier ou braver les interdits et les totems instaurés dans chaque clan ou dans chaque maison familiale par les ancêtres fondateurs.
Le châtiment ne se fait pas prier quand on joue à l’insolent ou au téméraire.
Les conséquences sont toujours immédiates pour servir d’exemple aux autres.
« On ne balaie pas la nuit » ;
« On ne siffle pas la nuit » ;
« On ne se coupe pas les ongles la nuit » ; « On ne chante pas sous la douche ou à la cuisine »; etc…. sont autant d’interdits qui ont leur fondement dans les pratiques ancestrales.
Certes, la plupart des parents d’aujourd’hui ne savent pas ou ne prennent vraiment pas la peine d’expliquer à leurs enfants,
les raisons qui se cachent derrière chaque interdit.
Ignorants peut-être aussi pourquoi on ne fait pas ci ou ça, ils ne se contentent que de les transmettre de génération en génération.
Mais, le problème est que nous ne sommes pas aussi curieux.
Pourquoi dans nos traditions, il est interdit de « balayer la nuit » ?
En réalité, en créant chaque maison familiale ou chaque clan, les ancêtres fondateurs qui, naturellement vouaient de sérieux cultes d’adoration à des entités spirituelles fortes, prenaient la peine d’y enterrer de puissants gris-gris aux fins d’assurer une protection spirituelle efficace de leur concession contre tout éventuel danger et les mauvais esprits.
Aussi, installaient-ils entre autres dans les maisons, ce qu’on appelle le « Xwéli »,
un culte dont le nom signifie littéralement en français : “asseoir la maison”.
C’est une divinité qui assure la protection de l’espace familial.
Il permet de rendre stable et sereine la maisonnée en chassant les mauvais esprits et en éloignant les étrangers qui viennent avec de mauvaises intentions.
À l’instar de toutes les autres divinités du panthéon VODOUN, les ancêtres vouaient également un culte sérieux à Sakpata, divinité de la terre, encore appelé Ayinɔn ou Ayihɔsu (maître de la terre), qui se manifeste par les maladies éruptives et contagieuses (variole, rougeole, varicelle, etc).
Ainsi donc, « balayer la nuit » est une désobéissance, une manière de provoquer “volontairement ou involontairement” les divinités qui assurent la protection des maisons et des villes.
C’est une manière de transgresser leurs lois.
Conséquences : elles peuvent baisser la garde et vous soumettre à des châtiments.
C’est dire que la plupart des interdits sont liés à des divinités tutélaires ou carrément à des pratiques cérémonielles propre à chaque famille d’où nous sommes issus.
« Balayer la nuit », c’est en réalité désobéir aux principes établis par la croyance aux divinités.
Ce n’est pas banal.
C’est plutôt sérieux.
Et parfois en cas de nécessité, il est conseillé de dire en balayant :
« ago agooo … », comme pour demander la permission aux entités invisibles aux fins de pouvoir nettoyer une partie du sol pour peut-être se coucher.
UN EXEMPLE ILLUSTRATIF
Personnellement, quand j’étais encore enfant, mes parents (Père : Dah, chef de famille et Mère : Tangninon, prêtresse) me disaient toujours :
« On n’attise pas le feu avec les pieds ».
Je ne savais pas pourquoi et je n’osais pas demander.
Un jour, nous avons perdu un membre de la famille et il fallait faire les funérailles (yɛsù) auxquelles j’avais assisté.
C’est là que j’avais compris que « attiser le feu avec les pieds » et « chanter en préparant de la nourriture » est une pratique qui faisait partie intégrante des rites funéraires de notre famille.
C’est-à-dire qu’il y a une cérémonie spéciale dans le rituel dénommé Djɔnǔdidɔ, qui d’ailleurs est exclusivement réservé aux personnes décédées, où on chante des chansons sacrées en préparant un repas pendant lequel on attise le feu avec les pieds.
Par Maxime Ahouèmadjèhouégni TCHIBOZO