Quand l'anodin devient une information

Dagnon-Talon : les raisons du divorce, selon Jeune Afrique

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Tandis qu’une bataille de succession s’est ouverte parmi les proches du président béninois, celui-ci a limogé, le 9 avril, son conseiller spécial. Que s’est-il passé entre les deux cousins? 

Dans la soirée du 9 avril, Johannes Dagnon a remis ses clés et quitté le palais de la Marina. Un peu plus tôt dans la journée, le patron du Bureau d’analyse et d’investigation (BAI) de la présidence apprenait qu’il était limogé de son poste de conseiller spécial du chef de l’État, qu’il occupait depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon, en 2016.

Une décision qui a pris tout le monde de court, sauf peut-être l’intéressé. En effet, entre les deux hommes, qui sont aussi cousins et proches collaborateurs depuis trente-six ans, le feu couvait depuis plusieurs semaines.

Niger et présidentielle 2026 

Selon nos informations, Johannes Dagnon était en désaccord avec Patrice Talon sur certains dossiers, comme celui du Niger. L’expert- comptable, réputé modéré, a tenté plus d’une fois de lui faire infléchir sa position, qu’il juge trop ferme par rapport à la junte dirigée par Abdourahamane Tiani. Il estime que cela impacte économiquement le pays, puisque la majorité des exportations, via le port de Cotonou, dépendent du Niger. Johannes Dagnon a par ailleurs abordé avec le président, à plusieurs reprises, le sujet brûlant de sa succession.

En effet, Patrice Talon a effectué plus de la moitié de son second et, en théorie, dernier mandat. Il s’est de nouveau opposé à une révision de la Constitution, en février dernier, après qu’un parlementaire proche de la mouvance présidentielle a introduit au Parlement une proposition en ce sens. Mais il n’a toujours pas adoubé de candidat en vue de la présidentielle de 2026.

À ce sujet, Johannes Dagnon a tenté de convaincre Patrice Talon de susciter un débat au sein de la majorité et de ne pas imposer une personnalité. Il lui a aussi conseillé, en vain, d’engager des discussions avec l’opposition et de reconsidérer les cas de Reckya Madougou, l’ex- ministre de la Justice de Thomas Boni Yayi, et de l’universitaire Frédéric Joël Aïvo, emprisonnés depuis 2021.

Et puis, il y a eu cet incident, le 23 mars. Lors d’une réunion organisée afin de présenter les réalisations du Programme d’action du gouvernement, lequel est supervisé par le BAI, un groupe de jeunes entrepreneurs a évoqué la possibilité d’une candidature de Johannes Dagnon à la présidentielle de 2026, suscitant la colère de Patrice Talon. Le même jour, Benjamin Coovi Dako, le premier secrétaire général adjoint du gouvernement, Arnaud Zannou, responsable au BAI, et Urbain Amégbédji, patron de l’Agence nationale pour l’emploi, tous proches de Dagnon, ont publié un communiqué virulent pour dénoncer une « utilisation trompeuse» de leur présence à cet événement.

La réunion de la discorde 

Ces derniers mois, les appels à une candidature d’Olivier Boko, autrefois considéré comme le bras droit de Patrice Talon, mais avec qui il a pris ses distances, se multiplient. En première ligne se trouve l’ancien ministre des Sports Oswald Homeky, qui a démissionné en octobre 2023 de ses fonctions après avoir été recadré pour s’être publiquement exprimé en faveur d’une candidature d’Olivier Boko à la présidentielle de 2026. Il a été rejoint par l’ex-ministre de la Justice Séverin Quenum, limogé en avril 2023.

Le 1er avril, le chef de l’État a réuni à son domicile ses «<< soutiens de la première heure », afin de les appeler à resserrer les rangs : Johannes Dagnon, mais aussi Olivier Boko, Oswald Homeky, Séverin Quenum et le député Charles Toko, un ami de longue date. Autant de noms qui alimentent régulièrement les débats autour du futur dauphin. À la suite de cette rencontre, tous sauf Patrice Talon se sont retrouvés chez Johannes Dagnon. Une initiative qui n’a pas été au goût du président, lequel lui a fait savoir lors d’une entrevue le 8 avril, au palais de la Marina.

Toujours selon nos informations, il lui a reproché de ne plus lui être loyal et d’entretenir des relations avec d’anciens collaborateurs dont il s’est éloigné. De son côté, Dagnon lui a demandé pourquoi, alors qu’il dit souhaiter quitter le pouvoir en 2026, les velléités des uns et des autres l’irritent autant. Le ton est monté entre les deux hommes : dès le lendemain, le conseiller spécial a appris son limogeage.

Johannes Dagnon était par ailleurs membre de conseils d’administration de grandes sociétés publiques, comme la Société des aéroports du Bénin, l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme ou le port autonome de Cotonou. Patrice Talon a expressément demandé à ce qu’il soit remplacé.

Source : Jeune Afrique

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