La Cour constitutionnelle. Saisie d*une requête en date à Cotonou du 26 mai 2023, enregistrée à son secrétariat le 30 mai 2023 sous le numéro 1043/173/REC-23, par laquelle monsieur Joël T. S. GODONOU, député à l’Assemblée nationale, membre du groupe parlementaire » Les Démocrates », forme un recours en inconstitutionnalité des désignations des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale ;
VU la Constitution ;
VU la loi n° 2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï monsieur Cossi Dorothé SOSSA en son rapport ;
Après en avoir délibéré.
Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle : « Les décisions et les avis de la Cour constitutionnelle sont rendus par cinq conseillers au moins, sauf en cas de force majeure dûment constatée au procès-verbal »;
Considérant que madame Dandi GNAMOU, messieurs Nicolas ASSOGBA, Mathieu Gbèblodo ADJOVI et Michel ADJAKA, membres de la Cour constitutionnelle, concernés par ce recours se sont déportés ; que cette circonstance, conformément à l’article 17 précité, habilite la Cour à siéger et à rendre sa décision avec seulement trois (03) de ses membres ;
Considérant que le requérant expose que dans le cadre de la désignation des membres de la 7®TM® mandature de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale, aucune proposition n’a été sollicitée du député de la minorité parlementaire siégeant au sein du Bureau de l’institution ; que se fondant sur la jurisprudence de la Cour, ü estime que les désignations effectuées au sein de l’Assemblée nationale, y compris celles relevant de la compétence du Bureau de l’Assemblée nationale, doivent refléter la configuration politique de l’institution ;
Qu’il en conclut que la désignation des quatre membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale, en ce qu’elle ne reflète pas la configuration politique du Bureau, est contraire à la Constitution ;
Considérant qu’en réponse, le président de l’Assemblée nationale, par l’organe du secrétaire général de l’institution, observe qu’au titre des modalités de nomination des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale, il est prévu que la nomination intervienne après l’avis consultatif de la Conférence des présidents, que les désignations soient effectuées par un vote au scrutin secret et qu’au terme du processus qu’un acte de nomination soit pris par le président de l’Assemblée nationale ; qu’il explique qu’à l’issue de l’appel à candidature, qui a permis d’enregistrer six (06) candidatures, les désignations ont été opérées sur les seuls critères de compétence, de moralité et de probité exigés à l’article 115 de la Constitution et sans aucune considération conformément à la pratique la nomination des membres de la Cour partisane ni subjective ; que parlementaire, constitutionnelle ne peut faire l’objet de marchandage ni de calculs politiques conduisant à requérir des tendances politiques représentées à l’Assemblée nationale ou des groupes parlementaires des propositions de candidatures ; que sur la jurisprudence de la Cour constitutionnelle à laquelle fait allusion le requérant, il fait observer qu’elle est relative à la désignation des représentants de l’Assemblée nationale dans les parlements régionaux et institutions de la République ainsi qu’à la composition des bureaux des commissions permanentes ; qu’il précise que dans ces deux cas, il s’agit de désignation ou d’élection de députés pour lesquels la Cour a exigé qu’elle doit s’effectuer selon le principe à valeur constitutionnelle de la représentation proportionnelle majorité/minorité. ;
Que pour n’être pas dans ce cas de figure, il estime que la jurisprudence de la Cour est inopérante et qu’il n*y a pas violation de la Constitution ;
Considérant qu’en réplique, le requérant, dans un premier temps, remet en cause l’impartialité de la formation juridictionnelle appelée à statuer sur son recours en alléguant que les personnes dont il conteste la nomination siégeront également en qualité de membres de la Cour constitutionnelle pour décider ; que dans un second temps, il rappelle, s’appuyant sur la jurisprudence même de la Cour, que le principe à valeur constitutionnelle de la répartition proportionnelle majorité/minorité, imposé pour le respect des droits de la minorité au Parlement, s’applique dans tous les cas où les lois confèrent aux députés et aux membres du Bureau de l’Assemblée nationale des pouvoirs de nomination ou de désignation dans des structures où il y a pluralité d’opinions et de tendances ;
Qu’il insiste dès lors sur la nécessité de faire respecter en l’espèce la règle de la répartition proportionnelle majorité/minorité pour la désignation des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale ;
Vu les articles 115 de la Constitution et 18 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ;
Considérant qu’aux termes de l’article 115 de la Constitution, « La Cour constitutionnelle est composée de sept membres dont quatre sont nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et trois par le président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable seule fois. Aucun membre de la Cour constitutionnelle ne peut siéger plus de dix ans.
Pour être membre de la Cour constitutionnelle, outre la condition de compétence professionnelle, il faut être de bonne moralité et d’une grande probité.
La Cour constitutionnelle comprend :
– trois magistrats, ayant une expérience de quinze années au moins, dont deux sont nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et un par le président de la République ;
– deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant une expérience de quinze années au moins, nommés l’un par le Bureau de l’Assemblée nationale et l’autre par le Président de la République » ;
Considérant que l’Assemblée nationale a désigné, par décision n°2023-094/AN/PT du 22 mai 2023 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, madame Dandi GNAMOU, messieurs Nicolas ASSOGBA, Michel ADJAKA et Mathieu Gbèblodo ADJOVI, en qualité de membres de la Cour constitutionnelle ;
Considérant que l’article 18 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoit au titre des modalités pratiques de désignation des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale deux conditions :
- L’avis préalable de la Conférence des présidents ; et
- -le vote au scrutin secret ;
Considérant qu’aucune des dispositions sus-visées ne prévoit que toutes les tendances politiques présentes au sein du Bureau de l’Assemblée nationale doivent être représentées parmi les membres désignés de la Cour constitutionnelle ; qu’au demeurant, la Cour a rappelé à plusieurs reprises que pour mener à bien la mission qui leur a été confiée, les membres de la Cour constitutionnelle doivent être indépendants des institutions qui les ont nommés et de tous partis politiques ; qu’il faut en déduire que pour la nomination des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale, outre les modalités définies à l’article 18 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, seuls les critères strictement définis à l’article 115 de la Constitution doivent être pris en compte et qu’aucune autre considération, notamment d’ordre politique, ne doit guider le choix des députés; que dès lors, le moyen tiré du non-respect de la configuration politique du Bureau de l’Assemblée nationale dans les désignations effectuées est inopérant ;
Qu’il y a lieu de dire qu’il n’y a pas violation de la Constitution ;
EN CONSEQUENCE,
Dit que la désignation des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale n’est pas contraire à la Constitution.
La présente décision sera notifiée à monsieur Joël T. S. GODONOU, à monsieur le Président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le vingt-neuf juin deux mille vingt-trois,
Monsieur Cossi Dorothé SOSSA Président
GOUDA BACO Membre Madame Aleyya
ACAKPO Membre Monsieur Vincent Codjo
Le Rapporteur, Le Président,
Cossi Dorothé SOSSA.- Cossi Dorothé SOSSA.