Emmanuel Macron au Rwanda : « Je viens reconnaître nos responsabilités » dans le génocide de 1994

Après l’élection – avec le soutien de Paris – de la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie, une nouvelle étape est franchie avec la remise en mars du rapport dirigé par l’historien Vincent Duclert sur le rôle de la France dans le génocide. 

Emmanuel Macron, en visite au Rwanda pour achever la normalisation des relations entre Paris et Kigali, a reconnu la « responsabilité accablante » de la France dans le génocide de 1994 lors d’un discours très attendu au Mémorial du génocide, où sont inhumés les restes de plus de 250 000 victimes. Le président français a également demandé « le don du pardon » aux rescapés.

Le président français Emmanuel Macron est arrivé jeudi 27 mai au Rwanda avec l’ambition de normaliser enfin des relations bilatérales empoisonnées depuis plus d’un quart de siècle par le rôle joué par la France dans le génocide des Tutsi de 1994

Ce court déplacement au « pays des mille collines » s’ouvre dans un climat d’optimisme aussi bien à Paris qu’à Kigali.  

Emmanuel Macron a affirmé la semaine dernière qu’il aura « à cœur d’écrire une nouvelle page » entre la France et le Rwanda, deux pays qui, selon son homologue Paul Kagame, « ont désormais l’opportunité » de « créer une bonne relation ».

Cette visite devrait consacrer l' »étape finale de normalisation des relations », résume la présidence française.

Une « mémoire pacifiée », « une relation renouée »

Se rendre au Rwanda est « un acte particulièrement fort pour le président de la République » et « c’est le signe (…) d’une mémoire pacifiée, d’une relation renouée », a souligné le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, mercredi. 

« C’est la preuve que la volonté du président de la République de regarder notre histoire, notre passé, en face et en toute transparence est la meilleure manière d’avancer », a-t-il ajouté à l’issue du Conseil des ministres. 

Emmanuel Macron aura à trouver les mots justes dès son arrivée jeudi matin à Kigali pour son premier déplacement lointain depuis le début de la crise du Covid-19. Il se rendra directement au Mémorial du génocide, situé à Gisozi, un quartier de la capitale, où sont inhumés les restes de plus de 250 000 victimes. 

Au cours de ce moment de « solennité particulière », selon l’Élysée, il prononcera un discours très attendu en s’adressant notamment aux « rescapés » de ce génocide qui a fait plus de 800 000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi, entre avril et juillet 1994.

Certaines associations attendent que le président exprime, au nom de la France, des « excuses » pour le rôle joué par Paris entre 1990 et 1994. « Des excuses ne peuvent venir à la demande. Elles doivent être sincères. Ce n’est pas à moi, ou à quiconque, de demander des excuses », a estimé Paul Kagame dans un récent entretien au Monde

Un rapport « accablant »

Précédent président à s’être rendu à Kigali, en 2010, Nicolas Sarkozy n’avait pas été aussi loin : il avait reconnu de « graves erreurs » et « une forme d’aveuglement » des autorités françaises ayant eu des conséquences « absolument dramatiques ».  

Malgré ces déclarations, les relations entre Paris et Kigali sont depuis restées difficiles, passant par des phases de fortes tensions.  

Emmanuel Macron au Rwanda : "Je viens reconnaître nos responsabilités" dans le génocide de 1994
Emmanuel Macron au Rwanda : « Je viens reconnaître nos responsabilités » dans le génocide de 1994

À son arrivée à l’Élysée, Emmanuel Macron relance le travail de rapprochement, notamment en développant de bonnes relations avec Paul Kagame, qui se présente en champion africain de l’environnement et du numérique. 

Après l’élection – avec le soutien de Paris – de la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie, une nouvelle étape est franchie avec la remise en mars du rapport dirigé par l’historien Vincent Duclert sur le rôle de la France dans le génocide. 

Ce rapport conclut aux « responsabilités lourdes et accablantes » et à l' »aveuglement » du président socialiste de l’époque François Mitterrand et de son entourage face à la dérive raciste et génocidaire du gouvernement hutu que soutenait alors Paris. 

« Je peux m’accommoder » de ces conclusions, qui écartent la « complicité » de la France, a commenté Paul Kagame, qui dirigeait en 1994 la rébellion tutsi ayant mis fin au génocide.  

Normalisation 

Le quotidien français Libération a pour sa part publié mercredi une « déposition » écrite de Michel Rocard, ancien Premier ministre de François Mitterrand, dans laquelle il avait critiqué en 1998 la politique française au Rwanda avant et durant le génocide des Tutsi. 

Pour concrétiser la normalisation, les deux présidents pourraient s’entendre sur le retour d’un ambassadeur français à Kigali, où le poste est vacant depuis 2015. 

Une autre étape sera l’inauguration par Emmanuel Macron du « centre culturel francophone » de Kigali, un établissement qui « aura vocation à faire rayonner non seulement la culture française mais aussi toutes les ressources de la francophonie, notamment des artistes de la région », selon la présidence. 

Car, pour Paris, il s’agit d’envoyer un message global d’ouverture à la jeunesse africaine, qui peine à être convaincue de la volonté de l’ancienne puissance coloniale de tourner la page de la « Françafrique ». 

Plus ouvert que ses prédécesseurs vers l’Afrique anglophone, Emmanuel Macron est ensuite attendu vendredi en Afrique du Sud pour une courte visite axée sur la lutte contre la pandémie de Covid-19 et la crise économique qu’elle provoque.  

France 24/AFP

Tribune : « Vingt ans après la loi Taubira : la mémoire esclavagiste… » (Par Florent Raoul Couao-Zotti)

En Argentine, pays latino que certains s’amusaient à peindre comme un état exclusivement « blanc », mises à part quelques tribus indiennes sévèrement balafrées par les Conquistadors, a émergé, depuis un demi-siècle, la figure de Maria Remeidos del Valle, une afro-argentine du XIX ème siècle, plus connue sous le …

Vingt ans après la loi Taubira : la mémoire esclavagiste…

En Argentine, pays latino que certains s’amusaient à peindre comme un état exclusivement « blanc », mises à part quelques tribus indiennes sévèrement balafrées par les Conquistadors, a émergé, depuis un demi-siècle, la figure de Maria Remeidos del Valle, une afro-argentine du XIX ème siècle, plus connue sous le pseudonyme de « Mère de la nation ». Cette femme, fille d’une captive yoruba enlevée au royaume du Danhomè et vendue à un riche propriétaire terrien, est devenue capitaine de l’armée, après avoir combattu aux côtés des indépendantistes. Le 8 novembre de chaque année, date anniversaire de sa mort, l’Argentine commémore ses exploits non pas seulement en tant qu’afro-argentine, mais tout simplement comme figure héroïque de la femme combative. La « Mère de la nation » a eu une vie quasi-romanesque: mariée très jeune, elle a perdu enfants et époux, a rejoint les indépendantistes et a mené, à leurs côtés, quatre grandes batailles ayant abouti à la libération du pays. Démobilisée après l’indépendance, elle s’est retrouvée sans le sous, sans abri, mendiant dans les rues de Buenos aires. Mais elle sera récupérée, puis réhabilitée. La « Mère de la nation » est, toutes proportions gardées, la version féminine de Toussaint Louverture.

Je rappelle ce fait eu égard à la commémoration, le 21 mai 2021, des vingt ans de la loi Taubira qui reconnait l’esclavage comme « crime contre l’humanité ». On a en mémoire le réquisitoire émouvant de la députée guyanaise à l’assemblée nationale française le 10 mai 2001. Rapporteuse de la loi, l’égérie de la gauche et des causes humanistes a fait une de ces sorties passionnées et solennelles qui mêlent poésie, envolées lyriques et discours sur l’antériorité des lois humaines sur la racialisation des hommes et des catégories sociales.

En plaidant cette cause, Christiane Taubira visait un but: que l’histoire de l’esclavage soit connue des Français, que l’humanité des victimes soit réhabilitée et que plus jamais un homme, quel qu’il soit, ne soit esclavagisé. Car l’esclavage et son corollaire, le racisme, sont pluriels et leurs déclinaisons perverses se manifestent tous les jours, souvent de manière subtile et sournoise, parfois de façon frontale.

Hélas, vingt ans après, les progrès, dans ce domaine, semblent avoir marqué le pas aussi bien sous les cieux gaulois qu’ici, dans nos proximités géographiques. Et même en France, on a l’impression qu’aucune mère, père ou frère de…, n’émergera de l’histoire pour porter et symboliser cette humanité éclairée. Tristesse. Comme le disait Césaire, » l’humanité de l’homme n’a jamais aussi souffert ».

Florent Raoul Couao-Zotti

Carnet noir : Décès du Professeur Félix Iroko

Le monde universitaire est en deuil. Le professeur d’Histoire à l’Université d’Abomey-Calavi, Félix Iroko vient de passer de vie à trépas.

Le monde universitaire est en deuil. Le professeur d’Histoire à l’Université d’Abomey-Calavi, Félix Iroko vient de passer de vie à trépas.

Décès de Félix Iroko

Né en 1946, il est décédé ce vendredi 13 novembre 2020 à l’hôpital de Zone d’Abomey-Calavi.

Originaire de Kétou, Félix Iroko  est auteur de plusieurs ouvrages sur les civilisations de l’Ouest africain et l’esclavage en Afrique.

Manassé AGBOSSAGA