Depuis plusieurs semaines, le secteur de la santé est plongé dans une grave crise. Pour le Coordonateur de l’Intersyndical des ressources humaines en santé, le gouvernement est le seul responsable de cette situation qui ne connaîtra pas une accalmie si le gouvernement continue d’afficher son indifférence. « Si le gouvernement ne réagit pas, nous allons continuer notre grève », prévient Adolphe Houssou à la rédaction de Kpakpatomédias. Lisez plutôt !
Kpakpatomédias : Adolphe Houssou, vous êtes le Coordonateur de l’Intersyndical des ressources humaines en santé et Porte-parole du Collectif de tous les syndicats de la santé. Depuis plusieurs semaines, le secteur de la santé traverse une crise. Qu’en est-il exactement?
Adolphe Houssou: Aujourd’hui, le secteur de la santé est en crise. Ce gouvernement est venu empirer la crise qui existait. Nous constatons d’ailleurs que avons mal fait d’accepter que des personnes de cette trempe viennent nous diriger. Ce gouvernement n’a pas de sentiments pour son peuple. Oui, ce sont nos propos à nous. Nous l’affirmons parce que nous constatons que nous sommes méprisés dans le secteur de la santé.
Nous étions en grève avant que le président Patrice Talon ne vienne. Quand il a pris fonction, il nous a demandé de suspendre les mouvements. Nous l’avons écouté. Nous avons suspendu les mouvements pour un comité qui doit travailler pendant 21 jours.
La goutte d’eau qui est venue faire déborder le vase, c’est l’adoption du rapport de la Commission des reformes dans le secteur de la santé le 26 juillet. Ils ont adopté ce rapport sans pouvoir prendre en compte les amendements que nous avons fait le 10 mai 2017.
Puis, nous avons organisé une conférence de presse. Nous avons écrit partout. Nous avons tout fait, ils ne nous ont jamais écoutés. Mais, puisque la seule arme que nous disposons finalement, c’est la grève, nous sommes sortis de notre gong, et nous avons déclenché la grève depuis le 2 août passé.
Avant de déclencher notre grève, nous avons d’abord commencé par les sit-in. C’est après cela que nous avons fait une grève d’avertissement de 48 heures. Nous avons reconduit notre motion de grève de deux semaines avec service minimum. Mais, comme le gouvernement a décidé de ne pas réagir, nous avons corsé et nous sommes passés à une grève de 72heures.
Nous ne le faisons pas de gaieté de cœur. C’est le gouvernement qui nous contraint à aller à cette extrémité.
Quand vous dîtes que le gouvernement n’est pas là pour le bien-être du peuple, sur quoi, vous vous appuyer pour tenir ces propos ?
Je le redis, ce gouvernement n’est pas là pour le bien-être des populations. Comment comprendre que des gens déclenchent une grève à cause de la remise d’un rapport, et qu’ils prennent tout leur temps.
Nous avons commencé la grève, et c’est en pleine paralysie que le gouvernement a sorti un document pour nous dire que c’est le rapport. Mais puisque nous n’avons pas confiance en ce gouvernement, nous avons pris le document par constat d’huissier.
Quand nous avons pris connaissance du document, nous leur avons demandé de nous permettre d’apporter des amendements. Pour prouver notre bonne foi et pour qu’ils ne disent pas que nous sommes à la recherche de sous, nous leur avons même proposé de ne pas mettre en place un comité. Sans aucun sous, nous avons demandé d’avoir la possibilité d’apporter nos observations, puisque c’est nous qui sommes les praticiens sur le terrain. Vous amenez des retraités, des gens qui ont détruit le secteur pour proposer des reformes, alors que les praticiens sont encore là. Ils ont carrément refusé.
Et autre chose, nos revendications qui existaient, le gouvernement refuse de les toucher. Ce n’est pas normal.
Que reprochez-vous au contenu du rapport ?
A la date d’aujourd’hui, ce que nous décrions dans le rapport, c’est la privatisation des hôpitaux, la mise en affermage, la mise en concession. Des thèmes propres à des privés, des mercantilistes, des capitalistes.
Des gens diront que ça ne va pas bien dans les hôpitaux, donc il faut privatiser. Ces mêmes personnes doivent savoir que les soins couteront plus chères. Et ce sera à leurs charges. Si on privatise, quel sort est réservé aux agents qui travaillent. Le président Talon est arrivé, il n’a pas encore créé d’emploi, mais il est en train de licencier des gens dans des ministères. Ce sont ces inquiétudes que nous avons. On nous dit qu’on va nous arracher le droit de grève et certains députés haussent le ton pour dire qu’ils sont prêts à prendre une loi dans ce sens.
Justement, le député Louis Vlavonou a, sur la radio Soleil Fm, dit qu’il était prêt à prendre une loi pour interdire le droit de grève aux agents de la santé. Votre réaction ?
Oui, exactement c’est lui. Nous le regardons et nous l’observons sur trois plans.
Le premier plan, c’est qu’il était syndicaliste à la douane. On a arraché le droit de grève aux agents de la douane. Ça veut dire que c’est lui qui avait vendu les siens pour qu’on les prive du droit de grève.
Le deuxième plan, c’est que le Président Talon a mis la suppression du droit de grève dans sa reforme. Le député Vlavonou lance un appel de pied au président, comme quoi il est prêt à l’aider. Et donc, président je veux t’aider. Si tu as quelque chose à me donner, donne le moi, je vais t’aider à prendre la loi.
Enfin sur le troisième plan, c’est un député qui ne réfléchi pas. En principe, s’il réfléchissait, il devrait s’intéresser aux raisons qui amènent les gens à aller en grève. Qu’est ce qui pousse les gens à aller en grève ? C’est ça qu’il faut voir. Mais, il ne cherche pas à comprendre cela.
Lui député, nous sommes en grève, mais jusqu’à présent, il ne nous a pas appelé. Il a préféré se rapprocher du président Talon, parce qu’il y a de l’argent là-bas. C’est malheureusement les représentants que nous avons au parlement.
Loin de cette réplique, où en êtes-vous dans les négociations avec le gouvernement pour une sortie de crise ?
Le gouvernement a envoyé une délégation pour nous rencontrer. Cette délégation était composée du ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané, du ministre Adidjatou Mathys, et du ministre Alassane Séidou. Ils sont venus nous rencontrer. C’était une joie pour nous. Mais on pensait qu’ils avaient quelque chose à nous dire. Ils nous ont juste fait savoir qu’ils étaient venus s’enquérir de la situation afin d’aller rendre compte au chef de l’Etat.
Donc, ce n’était pas une négociation. Nous n’avons signé aucun document avec eux. D’ailleurs tout ce qu’on disait par rapport à chaque point, ils étaient intransigeants. Ils ne voulaient rien entendre par rapport à tout ce qu’on demandait. Nous nous sommes donc tus. Ils sont sortis.
A notre grande surprise, ils ont fait un compte rendu sans nous informer. Ils l’ont publié sur les réseaux sociaux pour donner l’impression au peuple qu’ils nous ont déjà rencontrés. Voilà les gouvernants que nous avons.
Mais Dieu est grand. Il va tous les livrer, et le peuple saura ce qu’ils sont en réalité.
Par exemple, dans ce document ils ont annoncé une rencontre pour le lundi 2 octobre, nous sommes au mardi, mais rien. Ils ne nous ont pas rencontrés. Le peuple doit savoir que nous avons un gouvernement qui promet, mais qui ne respecte pas sa promesse. C’est ça la vérité aujourd’hui.
Nous sommes en train d’attirer l’attention du peuple sur les dérapages, le dilatoire de ce gouvernement. Voilà ce qu’il en est aujourd’hui.
Donc, à partir du moment où il n’y aura pas d’accord, nous allons continuer notre grève. Nous allons continuer la grève mais avec service minimum. Je le dis et j’insiste là-dessus, parce que nous avons pitié du peuple béninois. Cela veut dire que les cas d’urgence, les cas qui ne peuvent pas attendre seront pris en compte dans les hôpitaux. C’est ce que vous constatez aujourd’hui si vous allez dans les hôpitaux.
Si le mur n’est pas lézardé, le cafard ou le lézard ne peut pas y entrer, est ce qu’il ne va pas falloir que vous revoyez vous revoyez votre copie surtout que vous avez mauvaise auprès d’une couche de la population ?
Mais, qu’est –ce- que la population nous reproche.
Le fait par exemple qu’ils vont à l’hôpital, qu’on ne s’occupe pas d’eux, le mauvais accueil …
Ah oui ! Là, c’est vrai. C’est une réalité. On ne peut pas voiler la face devant cette réalité. Dans les hôpitaux, nous avons des camarades qui accueillent mal, qui rançonnent. Ça, c’est vrai. Mais, il y a une autre facette que les gens ne maitrisent pas. Quand des gens sont en faute, qu’est-ce- qu’il faudrait les faire ?
Il faut les punir, et je le dis à haute voix partout où je passe, il faut punir ceux qui font mal.
Par contre, chez nous en voulant punir, si ce n’est pas un député qui va sortir pour dire que c’est mon frère, c’est peut-être un ministre qui va dire que c’est un parent.
L’Etat doit être rigoureux dans la sanction. Pourquoi on ne peut pas punir ?
A cela, il y a un autre problème qui se pose. Il n’y a pas le matériel. Je vous donne un exemple. Vous allez au Cnhu, l’agent en week-end est à son poste, on amène un premier malade, un deuxième puis un troisième malade alors qu’il n’y a qu’un seul brancard. Qu’est ce qu’il va faire ? Va-t-il amener le brancard de chez lui ?
Le matériel n’existe pas. Il n’a même pas de gang pour travailler. Il est en train de s’occuper d’un patient, un autre serait en train de crier. C’est de là qu’on dit que les patients ne sont pas vite reçus.
Allez par exemple dans le Mono, sur 52 centres de santé, il y a au moins près d’une quinzaine qui sont dirigés par des aides soignants. Ça veut dire que nous manquons de personnel. Plus grave encore, c’est que le peu qui est là est démotivé. Vous donnez des primes à des médecins, mais vous laissez les autres dans la démotivation.
A la date d’aujourd’hui, les gens sont sans salaire. Ils ont pris service depuis novembre 2014 mais ils sont toujours sans salaire.
Il est donc vrai que nous avons des gangrènes parmi nous, mais que le gouvernement prenne ses responsabilités.
L’Etat doit être rigoureux et en même temps doit payer ses dettes vis-à-vis des hôpitaux. L’Etat doit beaucoup à tous les hôpitaux par rapport au paludisme gratuit, la césarienne gratuite, et autre. L’Etat doit honorer ses engagements. Donc l’Etat a sa responsabilité à jouer.
Un mot pour conclure…
Si le gouvernement ne réagit pas, nous allons continuer notre grève. Que le peuple ne soit pas étonné si nous corsions le mouvement.
Sil y a d’autres syndicats qui peuvent prendre la grève et la faire à notre place, nous allons travailler dans les hôpitaux, mais s’il y a personne nous sommes obligés de défendre notre cas.
Je vous remercie !
Réalisation :Kpakpatomédias