Quand l'anodin devient une information

Michaël Poté parle de l’élimination des Ecureuils à la Can Cameroun, de Michel Dussuyer, et lance “On s’est vus trop beaux trop vite”

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Alors qu’il terminait ses vacances d’été à Abidjan, Afrofootball55 a joint l’attaquant et international béninois. Sans surprise, ce dernier s’est livré sans tabou sur ses joies et ses déceptions, à commencer par l’élimination de la prochaine CAN au Cameroun. Une exclusivité Afrofootball55.

A bientôt 37 ans, Michaël Poté n'envisage pas de raccrocher les crampons. Il poursuit sa carrière en Turquie à Bandirmaspor et reste disponible pour les Ecureuils du Bénin (crédit @Cafonline).
crédit @Cafonline)

« Michaël, on va commencer par ce qui fait mal : ce coup de massue reçu collectivement par l’équipe nationale du Bénin, avec votre élimination de la prochaine CAN, conséquence de la défaite (1-0) contre la Sierra Leone à Conakry…

Franchement, c’est très dur à avaler. Est-ce que dans nos têtes, on se pensait déjà qualifiés avant d’avoir joué ? Dans tous les cas, on ne s’y attendait pas. Pour moi, on n’a pas été éliminés sur ce match-là. Dès le moment où on ne bat pas cet adversaire, qu’on perd chez nous à la dernière seconde contre le Nigeria et qu’on fait nul contre le Lesotho, on ne méritait pas d’y aller au final. On n’a pas su gagner ce combat-là.

C’est-à-dire…

On s’est vus trop beaux trop vite. On a perdu le match en dehors du terrain. Psychologiquement. On s’est préparés pour cette échéance pendant trois semaines et on pensait passer. Dans ma carrière, et je suis plus près de la fin que du début, je n’ai jamais été autant épuisé mentalement. On a eu du mal à gérer en dehors du foot.

Votre sélectionneur, Michel Dussuyer, a été sévèrement critiqué après l’élimination…

Malheureusement. Mais nous sommes tous responsables ! Cette déception fait partie du métier. On n’a pas échangé depuis l’élimination. Je le connais depuis 2005 parce qu’il était mon entraîneur à l’AS Cannes. Il savait que j’avais un côté ivoirien, mais ne savait pas pour mon côté béninois ! Je ne doute pas de sa capacité à se remettre au travail. En 2019, on était les héros, là on est les zéros… On peut encore redevenir des héros aux yeux du peuple si on se qualifie pour la CDM 2022. Jouer pour la sélection, c’est porter tout un pays. Alors, soit tu fais kiffer, soit tu blesses tout un peuple. La joie est indescriptible quand tu gagnes. Comme je l’ai dit à mes collègues, on gagne tous ensemble et on perd tous ensemble.

Depuis sept ans, votre carrière en clubs a oscillé entre la Turquie et Chypre. Pourquoi ?

A la base, c’est un peu un concours de circonstances. Entre 2011 et 2014, je jouais en Allemagne au Dynamo Dresde. La dernière saison, le club a chuté en D3 et je me suis retrouvé libre sur le plan contractuel. Le premier club à se manifester fut Omonia Nicosie et il était engagé en Coupe d’Europe ! Je l’ai rejoint et j’ai pris du plaisir. Puis la Turquie voisine s’est manifestée et j’y ai fait mes preuves. Je pense qu’il y a des championnats qui conviennent à certains joueurs et à d’autres pas. Là-bas, j’ai beaucoup marqué.

Cette saison justement, vous repartez avec Bandirmaspor…

C’est un club monté de D3 en D2 et avec lequel je suis encore lié un an. C’est un beau challenge. Je n’aime pas jouer le maintien ! On se trouve à deux heures et demi d’Istanbul. C’est une petite ville côtière de la mer de Marmara, plutôt touristique, près d’Erdek.  

A bientôt 37 ans, comment voyez-vous la suite de votre carrière ?

C’est lorsqu’on me rappelle mon âge que je m’en rends véritablement compte ! C’est que je suis bien, je kiffe mon football. Je reste un passionné et je m’arrêterai lorsqu’il n’y aura plus ça. Ce qui me fatigue un peu désormais, ce sont les à-côtés du foot, comme les voyages, les préparations, le foot business et bien sûr l’éloignement de la famille sans oublier les vacances rognées. C’est usant.

Parlez-nous un peu de votre Académie (Poté Joseph). Où en est son développement ?

Il y a quelque temps, on a essayé de monter de district en D3 béninois mais on a perdu en finale. Nous restons un centre de formation et on relance nos activités en septembre. Deux joueurs ont signé pros au Maroc, un au Sénégal. On reçoit des demandes de partout. Notre fierté, c’est de faire de nos jeunes des hommes et des diplômés. Lorsque je me suis lancé dans ce projet en 2012, j’étais en plein dans ma carrière active. J’ai cette envie de transmettre. Je fais mon truc et si on peut être un modèle ou donner envie à d’autres de se lancer, tant mieux ! J’ai en tout cas la chance d’être bien entouré.

Revenons un instant à la sélection nationale du Bénin. Vous êtes le détenteur d’un record à la CAN, celui du but le plus rapide, inscrit après 104 secondes contre le Ghana en 2019…

Je suis un compétiteur alors je ne vais pas jouer les faux humbles : je suis content de l’avoir ! On se fixe toujours des objectifs de performance dans la vie. Quand tu as un record comme celui-là, tu as envie de le garder, c’est une fierté. J’aurais voulu être à la CAN 2022 pour le défendre.

Après 18 années de professionnalisme, quels moments forts conservez-vous ?

En fait, je me revois au quartier chez moi, à Lyon. Je n’avais pas l’intention d’être pro ! Un jour pourtant, j’ai passé un essai à Saint-Priest et on m’a dit d’aller dans un club au-dessus. Et voilà, c’est parti comme ça…

Vous avez goûté à la Ligue des champions face au Real Madrid…

… et au moment d’entrer sur le terrain, toute ma carrière a défilé dans ma tête en quelques secondes. Un truc de fou ! J’ai repensé à tout. Je me suis dit : mais qu’est-ce que je fous là, face à CR7 et Sergio Ramos au Bernabeu ? On perd 3-0, normal ! Il y avait Karim Benzema, un Lyonnais comme moi, en face. Devinez quoi ? J’ai fait attendre Modric, qui m’avait promis son maillot, quinze minutes après le match, parce que j’étais dans ma bulle, à kiffer le moment ! »

Propos recueillis par Frank Simon/Afrofootball55

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