Cette victoire aux forceps n’est finalement pas la déferlante annoncée par les sondeurs de tous bords. Mais elle garde sa beauté et tous ses symboles. Joe Biden sera à la tête d’un pays fracturé, avec une presque minorité agissante et violente, convertie aux moyens expéditifs du populisme. Je repense à ces manifestations et les scènes de rage qui se sont propagées aux États-Unis, puis en Europe et ailleurs dans le monde, après le meurtre de George Floyd. Tant de haine, de violence, de brutalité et de préjugés, tant de certitudes aujourd’hui à soigner.
Réckya Madougou félicite à son tour Joe Biden après sa victoire à la présidentielle américaine. L’ancienne ministre des microfinanes n’a pas également manqué d’attirer l’attention du nouveau locataire de la maison blanche sur le principal défi à relever. Réponse à travers son post publié ce lundi 9 novembre 2020 sur sa page facebook.
Le 46ème Président et la toute première Vice-présidente des États-Unis d’Amérique
Le peuple américain a choisi pour présider à sa destinée le démocrate Joseph Robinette Biden Jr., alias Joe Biden. C’est aussi l’élection remarquable de sa colistière Kamila Harris.
J’adresse mes vives félicitations aux américains, notamment aux Démocrates, aux heureux élus Biden et Harris.
Cette victoire aux forceps n’est finalement pas la déferlante annoncée par les sondeurs de tous bords. Mais elle garde sa beauté et tous ses symboles. Joe Biden sera à la tête d’un pays fracturé, avec une presque minorité agissante et violente, convertie aux moyens expéditifs du populisme. Je repense à ces manifestations et les scènes de rage qui se sont propagées aux États-Unis, puis en Europe et ailleurs dans le monde, après le meurtre de George Floyd. Tant de haine, de violence, de brutalité et de préjugés, tant de certitudes aujourd’hui à soigner.
Ces dernières années, le rêve de restauration de la grandeur de l’Amérique (« Make America great again ») vendu par le futur ex-président semble voir cédé le pas à une sorte de populisme haineux entre les citoyens d’un même pays et entre l’Amérique et quasiment tous les autres continents. Dans cette foulée, le sens de la démocratie longtemps enseignée par cette grande nation d’immigrés, l’optimisme politique, le charme et la spontanéité de cette contrée de tous les possibles qui nous séduisaient se sont tout autant volatilisés. Ainsi, le principal défi de Joe Biden sera donc la mise en place d’une politique d’apaisement pour réconcilier l’Amérique avec elle-même, panser ses blessures. Pour y parvenir, il devra considérer sa colistière bien plus que dans un rôle de représentation.
Ancienne procureure et sénatrice, la vice-présidente Kamala Harris, que j’ai eu l’occasion de croiser sur les rings d’autres combats avec ses principes et sa fougue, est un atout majeur et pourrait même incarner le fer de lance de la nouvelle Amérique même si le poste de vice-président est présenté par les mauvaises langues comme une « simple doublure » du président. Je veux pour ma part croire en ses convictions évoquées tout au long de cette campagne, à sa fraîcheur d’esprit, son enthousiasme et son charisme réformateur qui lui imposera de ne pas se contenter d’un rôle de coulisse mais d’influencer véritablement le cours de l’histoire de son pays.
L’ouverture sur le monde que je connais chez cette femme issue de la communauté afro-américaine et ayant vécu à l’étranger me fournit de sérieux indices d’espérance relativement à son impact. L’on sait très bien que certains maux des États-Unis d’Amérique découlent du « USA-centrisme » qui fait qu’en vérité l’écrasante majorité des américains ne juge pas utile de mieux connaître ou découvrir le reste du monde. Or c’est cette connaissance qui favorise l’acceptation de l’autre et de sa différence.
Les Etats-Unis auront besoin de se réinventer avec de nouvelles idées pour consolider une démocratie fragilisée par l’accroissement des inégalités. Et ces idées existent dans ce pays de grande tradition de laboratoire d’idées (think tank). Emises donc pour la plupart hors du champ politique, par des entrepreneurs, universitaires, syndicalistes, militants associatifs, ces idées peuvent montrer la voie pour engager une relation plus apaisée indispensable à la cohésion nationale.
Avec le choix de Joe Biden, le peuple américain a opté pour l’optimisme, le progrès respectueux des engagements internationaux et la responsabilité. Ma satisfaction, bien que je ne renie pas mes amitiés dans le rang des Républicains, vient surtout du fait que les points phares de son projet de société sont en lien avec les idées que je prône. Une certaine foi en l’avenir, une confiance dans les valeurs progressistes et inclusives, une économie libérale dans une société cohésive qui promeut la prise en compte des populations vulnérables et des défis de développement durable .
« (…) La justice sociale: l’égalité des chances seule ne peut garantir une cohésion sociale. En effet l’accent mis sur l’égalité des chances et la méritocratie légitime certaines inégalités. Par exemple la compétition scolaire profite aux enfants des familles les plus aisées dans nos pays. Il s’avère nécessaire de réduire les inégalités finales en leur faveur, au nom de la réduction des injustices sociales. Nos états doivent offrir des protections sociales, prévoir des filets sociaux conséquents contre les aléas de la vie et de l’économie. C’est une forme importante de rattrapage qui s’impose à nos sociétés (…) ». Reckya Madougou in #Soigner les certitudes. Page 48.
L’autre symbolisme de cette élection américaine qui me parle est que les femmes africaines, à l’instar de celles du monde entier, ont suivi avec intérêt la campagne électorale américaine, et je sais combien elles se réjouissent de l’ascension de Kamala Harris, non pas pour sa couleur de peau mais pour sa combativité et le message porté. Cette étoile montante du parti démocrate, qui sera la première femme de l’histoire à occuper la vice-présidence aux Etats-unis, démontre que parvenir à briser le plafond de verre est possible pour toutes les femmes et partout, même en milieux conservateurs sexistes.
Kamala Harris, le 7 novembre à Wilmington dans le Delaware déclarait: «Je suis peut-être la première femme à occuper ce poste. Mais je ne serai pas la dernière. » Cette profession de foi que les misogynes ont tôt fait de qualifier de féministe annonce à souhait les couleurs. Il est fort à parier qu’elle marquera son passage.
Le repli sur soi et les excès du laissez-faire conduisent inévitablement à l’isolement et au conflit. Les Etats-unis, l’Europe, l’Afrique et la communauté internationale en général gagneraient à promouvoir des dirigeants et dirigeantes qui rejettent les injustices pour bâtir un monde plus stable, plus sûr et plus équitable. Le programme de Joe Biden promeut les valeurs de respect et de solidarité. Solidarité entre les générations, solidarité entre les genres, solidarité entre les classes sociales, solidarité à l’égard des plus fragiles. Je leur souhaite pleine réussite pour un monde meilleur.
#TeamRM Reckya Madougou